Fabrice di Falco à la Sainte-Chapelle, la célébration d’un jubilé
Star internationale, organisateur de Festival et d’un incroyable concours ultramarin, Fabrice di Falco est un artiste multifonction qui n’oublie pas son art. À la veille d’un anniversaire jubilatoire, il revient à la source de ses premiers succès. Explication…
Un retour aux sources pour célébrer un superbe jubilé, c’est ce que nous a offert Fabrice di Falco à la Sainte-Chapelle, ce samedi 28 décembre 2024. Le célèbre contreténor qui soufflera ses 50 bougies le 31 décembre, a donné un récital intense et émouvant dans un lieu hautement symbolique. Le monument historique de Paris, évidemment chargé d’histoire, accueille depuis longtemps les concerts de musique classique (grâce notamment aux productions Euromusic). L’artiste y a fait ses premiers pas avant de mener une carrière hors du commun. Loin d’en être le point d’orgue, le programme de ce récital composé d’airs sacrés et d’extraits d’opéra, était taillé sur mesure pour cette voix unique qui n’a pas subi l’outrage du temps. Devant une salle comble et pourtant dans un froid glacial, l’artiste a remporté un succès aussi vif que celui de ses premiers concerts avec le goût de l’épanouissement et de la maturité triomphante.
Un Ave Maria trois-en-un qui connaît une surprenante variation
Un clavecin, deux violons, un alto et un violoncelle, l’Orchestre Classik Ensemble possède le format idéal pour donner le relief attendu à un accompagnement rythmé et précis. David Braccini, musicien à l’Orchestre de Paris, dirige du violon en grand professionnel l’ouverture de Rinaldo de Haendel et des pièces de Geminiani et Bach qui ponctuent agréablement le concert en conservant l’homogénéité du programme. La Sainte-Chapelle est un lieu propice à la spiritualité et Fabrice di Falco a habilement choisi les trois plus beaux Ave Maria pour ouvrir son récital avec une petite originalité. Les notes du chef-d’œuvre de Schubert chanté en français résonnent divinement dans l’écrin magnifique que l’artiste connaît parfaitement. Avec de longues phrases étirées, la voix remplit l’espace telle un encens embaumant. Une ferveur religieuse anime le contreténor qui, yeux fermés, semble vivre les paroles dans un chant toujours habité. L’Ave Maria de Caccini clôt cette trilogie en beauté avant le Salve Regina de Pergolèse. S’adressant au public, l’artiste donne quelques informations sur l’œuvre et son compositeur, la brièveté de sa vie et l’écriture de chefs-d’œuvre comme le Stabat Mater ou deux superbes Salve Regina, un pour voix de soprano, l’autre pour alto interprété ici. On oublie les quelques aigus légèrement forcés pour goûter pleinement à la beauté du timbre qui n’a pas été altéré par le temps.
Ô temps, suspends ton vol ! et vous, chanteurs propices, continuez votre parcours !
Les mélomanes qui ont eu la chance de suivre le parcours assez fabuleux de Fabrice di Falco se souviennent, à ses tout débuts au milieu des années 90, du choc ressenti à la découverte de cette voix suave et de ses aigus cristallins de sopraniste. Les contreténors français se comptaient encore sur les doigts d’une main et, avec Gérad Lesne et le regretté Henri Ledroit, les « stars » de l’époque étaient Nadir Elie ou Patrick Husson, le jardinier phénomène et éphémère. Fabrice di Falco a conservé miraculeusement cette voix unique tandis que beaucoup, faute de technique vocale appropriée, se sont tus. Des extraits bienvenus d’opéra sont venus enrichir le récital pour rappeler que la scène est également son domaine. Le théâtre prend le dessus dans « Venga pur », extrait de Midridate, re di ponto de Mozart avant que l’émotion pure ne revienne dans « Cara sposa » de Haendel, sans doute le plus beau moment de la soirée. On admire particulièrement la longue phrase maîtrisée dans un souffle captivant et, ici encore, la beauté ! Avant un bis phénoménal, l’air « Lascia ch'io pianga » également extrait du Rinaldo de Haendel a été dédié à la mémoire de Francillette di Falco, la maman de l’artiste présente à chaque fois à la Sainte-Chapelle. Les quelques larmes versées sont la marque d’une sincérité rare que le public reçoit avec un réel attendrissement. Et ils sont chers ces quelques instants d’intimité où l’on perçoit l’authenticité d’un artiste qui n’oublie toutefois pas d’émerveiller. La fameuse « Cold Song » de Purcell amorcée dans un impressionnant baryton a donné le frisson à toute la salle qui s’est levée pour acclamer Fabrice di Falco, le jubilatoire !