Les flocons tombent sur les Champs-Élysées et rendent à l’Ukraine sa féérie
Le retour du Ballet de l'Opéra National d'Ukraine à Paris est un événement. Alors que pour les fêtes de fin d’année, le Théâtre des Champs-Élysées programme La Reine des Neiges, la féérie opérera-t-elle à nouveau avec ce ballet d’hiver ? Réponse...
Après leur passage fort en émotions en décembre 2022 à Paris sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, le Ballet de l’Opéra National d’Ukraine est à nouveau fièrement invité dans le cadre de la saison TranscenDanses. Dans l’euphorie des fêtes de fin d’année, l’avenue Montaigne revêtue de sa plus belle parure de lumière a accueilli ce samedi 21 décembre 2024, la première du ballet La Reine des Neiges dans la chorégraphie d’Aniko Rekhviashvili. Même si ce ballet s’inspire lui aussi du conte d’Andersen, nous sommes loin de la version Disney avec sa chanson entêtante. Malgré une narration parfois maladroite, il répond au désir de féérie éprouvé en cette période de l’année. L’interprétation par la troupe du Ballet national d’Ukraine, un pays qui après l’annexion de la Crimée et la guerre du Donbass en 2014 est envahi par la Russie depuis trois ans déjà, ajoute à l’intensité du moment. Pas de libération ou de délivrance, un arrangement d’œuvres de compositeurs français, norvégiens, autrichiens et allemands mais pas de musique russe et un chef d’orchestre ukrainien, la compagnie de danse continue sa lutte. Les conditions sont extrêmes pour le Ballet de l’Opéra National d’Ukraine qui pourtant parvient à faire vivre la magie.
Un air glacial souffle sur la scène et embrase les coeurs
Les toiles peintes et les projections vidéo de Stanislav Petrovskyi recréent l’atmosphère chaleureuse des nuits d’hiver dans une ville enneigée où évoluent deux enfants, Gerda et Kai. Le jeune garçon est touché par le maléfice de la Reine des Neiges et, le froid ayant gagné son cœur, il rejoint le monde obscur. Son amie part alors à sa recherche et les différentes étapes de son voyage sont autant de prétextes aux tableaux qui défilent sur les musiques de Grieg, Massenet, Offenbach, J. Strauss, Berlioz et Augusta Holmès. Le chef d’orchestre ukrainien Sergii Golubnychyi dirige l’Orchestre Prométhée tandis que Tetiana Lozova mène le ballet dans le rôle de Gerda avec l’innocence et la détermination d’une enfant courageuse. Les balletomanes habitués aux personnages de princes torturés trouveront dans le rôle masculin de Kai un caractère plutôt impassible qui s'illustre dans la précision des mouvements sans dégager d’émotion. Parmi les multiples mondes traversés au long des deux actes, celui du Jardin Secret orné de fleurs aux mille couleurs est particulièrement beau et émerveille. La virtuosité est mise en avant dans le tableau des voleurs mené par Mykyta Kaiforodov et Kateryna Didenko, qui livrent une prestation rythmée forte en prouesses techniques. Le vent glacial des terres enneigées d’Ukraine peut souffler fort et, hiératique, dès qu’Iryna Borysova apparaît en impitoyable Reine des Neiges, la salle entière est pétrifiée.
Les Champs-Élysées recouverts de flocons ukrainiens
On l’imagine aisément, plongé dans des conditions extrêmes, le Ballet de l’Opéra National d’Ukraine qui n’a plus de salle, ne dispose plus de son environnement familier pour répéter, s'entraîner et pour vivre tout simplement. Il convient sans retenue de saluer son mérite alors qu’il propose une telle production. Malgré tout, la chorégraphie trop peu diversifiée perd de son rythme au fil des tableaux qui finissent par se ressembler. Grands sauts, grands jetés, pirouettes, la technique des danseurs est remarquable (et même stupéfiante connaissant le contexte) mais leurs mouvements peinent à illustrer l’histoire malgré les costumes majestueux et enchanteurs de Natalia Kucheria. La pantomime, présente tout au long du ballet, ne suffit pas non plus à aider à la compréhension de l’œuvre. Il relève de l’exploit de créer la féérie dans un contexte si compliqué et la troupe s’y emploie. TranscenDanses a eu raison de proposer aux spectateurs de la capitale française de partager leur joie, aussi éphémère soit-elle car avec ses décors, ses costumes, la musique et le talent des danseurs, le ballet La Reine des Neiges émerveille et couvre le Théâtre des Champs-Elysées de flocons d’humanité.