La Compagnie Käfig dans une décennie de PIXELs
Lorsqu’une création, comme PIXEL de Mourad Merzouki, est programmée dix ans après sa création, l’amateur de danse souhaite comprendre comment peut-elle s’inscrire dans une toute nouvelle décennie ? Réponse...
L’œuvre phare de Mourad Merzouki est de retour dans la capitale française. La Place d’Italie accueille PIXEL, sur la scène du théâtre du 13e art, le mercredi 27 novembre 2024, pour une nouvelle série de représentations. Création à succès, cette pièce de la Compagnie Käfig célèbre ses 10 ans ! Après Athina, en 1994, création qui a propulsé la compagnie, PIXEL, née en 2014, fête aujourd’hui en 2024 une décennie de programmation ininterrompue. Présentée dans le cadre du festival Kalypso, par le Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne et la Compagnie Käfig, elle est le fruit d’une collaboration entre Mourad Merzouki le chorégraphe et le duo Adrien M & Claire B à la conception numérique. Ensemble, ils font revivre une œuvre accessible, qui continue de captiver aussi bien les novices que les connaisseurs… même après dix ans !
Des images de Mars complètement pixélisées
À l’ère du numérique, les prouesses et avancées techniques sont d’une rapidité telle que l’on serait tenté de croire qu’une création digitale datant d’une décennie serait aujourd’hui obsolète. Et pourtant, PIXEL prouve le contraire. Dans une atmosphère futuriste, les douze danseurs aux âges et corps singuliers marchent tels des astronautes explorant Mars. Les costumes, dans un dégradé de terracotta rappelant la planète rouge, contrastent avec la grande toile où sont projetées des animations visuelles. Progressivement, leur symbiose se révèle. Les gestes des danseurs déclenchent une onde de points numériques comme si les êtres et l’image étaient connectés. Pour sceller le tout, la musique d’Armand Amar se dépose comme une évidence sur les mouvements des corps et des pixels. Le concentré d’art ne s’arrête pas là. Le hip hop, le breakdance, la danse contemporaine, le roller artistique et les arts circassiens tels que la contorsion ou le cerceau cohabitent sur scène. Ces disciplines sont sublimées par les artistes qui font preuve de prouesses techniques et physiques. Chacun des membres de la compagnie Käfig a l’opportunité de mettre en avant ses forces et caractéristiques. Parmi eux, Nina Van der Pyl, seule femme de la troupe, que l’on devine enceinte, présente deux numéros de contorsion : un solo démonstratif et un duo sensible avec Hugo Ciona. Discipline rare en dehors des arts du cirque, la contorsion peut provoquer une crispation instinctive chez les spectateurs mais une chose est sûre : la proprioception est sollicitée.
Un parcours semé d’embûches n’empêche pas l’accessibilité
Sur scène, le bouillonnement artistique laisse la narration au second plan. Quelques scènes de violence ou de rejet d’un des danseurs par le groupe permettent de s’accrocher à des éléments de compréhension mais dès le tableau suivant, une nouvelle histoire nait. Malgré quelques longueurs, le travail numérique reste surprenant et impressionnant. De la pluie diluvienne au complet effondrement de l’écran, d’un chemin semé d’embûches jusqu’au bord d’une falaise, les artistes Adrien Mondot et Claire Bardainne confrontent les danseurs qui émergent avec des acrobaties rythmées. Si l’alliance entre image et mouvement est agréable à l’œil, on aurait aimé une précision encore plus fine dans leur interaction. Mourad Merzouki, fidèle à son engagement, veille à ce que ses créations restent accessibles à tous, ce qui est à saluer. Ici, nul besoin de clés de lecture, de bagage culturel ou de narration explicite, l’explosion artistique, grâce à sa cohérence, résonne avec tous les spectateurs, offrant une véritable bouffée de sérotonine. Dans une époque où les avancées technologiques peuvent parfois nuire à la création, PIXEL démontre que technologie et art vivant peuvent non seulement coexister, mais se sublimer mutuellement.