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Des Misérables à la conquête de Paris font exploser le Châtelet

Des Misérables à la conquête de Paris font exploser le Châtelet

Le mélomane le constate souvent. La comédie musicale française est souvent moquée. Alors que Les Misérables, succès planétaire, revient au Théâtre du Châtelet dans une version dans sa langue d’origine, quel sera le sort réservé à la production ? Réponse…

Les Misérables - Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux

Quel bonheur de retrouver le Théâtre du Châtelet à son meilleur ! Les dernières saisons ont été celles des polémiques et des rendez-vous manqués qui ont laissé une image brouillée sur la programmation. Avec la nomination d’Olivier Py comme directeur de l’illustre théâtre parisien, l’éclectisme a enfin un visage familier, celui d’un gestionnaire capable de passer des productions d’opéra les  plus pointues aux talons aiguilles de Miss Knife. Même s’il n’est pas à l’origine de la commande de la production (annoncée bien en amont de sa nomination), les 52 représentations de la comédie musicale Les Misérables d'Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg, actuellement à l’affiche, sont encadrées par le récital de Jonas Kaufmann (le 4 novembre) et un Orlando de Haendel (dirigé par Christophe Rousset, à partir du 23 janvier 2025) très attendu. Même si le succès est éclatant, le théâtre affichant complet le soir du 28 novembre 2024, les enjeux étaient de taille.

Comédie musicale/opéra rock, même combat mais pas les mêmes armes !

Les Misérables - Théâtre du Châtelet, Éponine (Océane Demontis) et Marius (Jacques Preiss) © Thomas Amouroux

Ainsi va la vie culturelle, un échec aurait été mal vécu et aussitôt imputé à une mauvaise gestion ou à une erreur de programmation. Alors qu’elle s’est imposée à Broadway ou sur le West End de Londres, la comédie musicale est un genre populaire qui a un statut particulier en France, surtout à Paris. Souvent snobées, les productions du Palais des Sports ou du Palais des Congrès quittent rarement les abords du périphérique parisien pour s’imposer. Il existe pourtant des grandes comédies musicales française comme Les Misérables. Son cas est d’ailleurs exemplaire. Créée en septembre 1980 au Palais des Sports et malgré une reprise à Mogador en 1991, il aura fallu que la partition fasse un triomphe en version anglaise aux Etats-Unis, à Londres et dans le monde pour que le public français s’intéresse à son patrimoine, l’herbe étant toujours plus verte chez les autres ! Cette reprise dans la langue de Molière annoncée en fanfare était pourtant risquée. On connaît le public parisien souvent prompt à regarder de haut ce genre « mineur » et même Jean-Luc Choplin, directeur de 2004 à 2018 qui a réhabilité la comédie musicale et l’opérette au Châtelet, n’a pas tenté l’expérience au-delà du Chanteur de Mexico de Lopez. Pour cette nouvelle production, son exemple a toutefois été suivi avec des moyens adéquats pour peaufiner les décors et les costumes d’époque. Le choix de Ladislas Chollat à la mise en scène est payant car il use de nombreux artifices pour respecter les changements de tableaux dans un rythme soutenu, parfaitement maîtrisé. Deux immenses structures comme décor principal figurent à la fois une galère, un échafaud, la devanture d’un café ou les murs de la maison de monsieur Madeleine. L’utilisation d’impressions vidéo finit d’installer des images marquantes. Les évocations du Paris de 1832 rappellent les dessins de Victor Hugo qui s’effacent dans un fondu au noir très cinématographique pour laisser la poursuite isoler le chanteur. Les airs sont parfois chantés devant le rideau sans que jamais l’on sente l’artifice ou la nécessité d’un noir pour le changement de décor. Parce qu’il propose une lecture traditionnelle, il serait injuste de reprocher à Ladislas Chollat de ne pas être Thomas Jolly. Le sensationnel n’est pas absent de sa mise en scène, certes respectueuse, avec quelques scènes (la barricade, la mort de Javert) réellement impressionnantes. Contrairement à Starmania (autre succès récent), la distribution vocale ne souffre d’aucune faiblesse.

Rameau, Jean Valjean et Javert ne sont qu’un Janus !

Les Misérables - Théâtre du Châtelet, Javert (Sébastien Duchange) et Valjean (Benoît Rameau) © Thomas Amouroux

Même si certains chanteurs-acteurs se détachent plus que d’autres, l’ensemble vocal reste homogène avec, pour les rôles principaux, toujours une belle scène qui met l’artiste en valeur. Ainsi, l’affreux couple Thénardier récolte un franc succès, Christine Bonnard et David Alexis incarnant la bassesse et l’ignominie avec une facétie payante. Le rôle de Fantine est sans doute plus difficile à tenir depuis que l’air « J’avais rêvé » (« I dreamed a Dream » dans la version anglaise) est devenu l’un des plus connus. Même si elle s’expose vocalement à la comparaison, Claire Pérot est très touchante reproduisant la déchéance de l’héroïne avec réalisme. La petite Cosette enfant marque moins les esprits que Gavroche exactement gouailleur comme on l’imagine. Parmi ses camarades de révolution se détache l’impeccable Stanley Kassa, Enjolras survolté et très convaincant. Même s’il surjoue légèrement, Jacques Preiss possède l’exact physique et la voix de Marius, héros romantique et amoureux de Cosette devenue jeune fille. Juliette Artigala atteint ses aigus de soprano grâce à une technique mixte trop présente, d’autant qu’elle est confrontée au naturel d’Océane Demontis dans le rôle d’Éponine, l’amoureuse secrète de Marius. Dramatiquement, la jeune artiste a plus à jouer avec un personnage complexe qu’elle rend tendrement humaine dans sa chanson « Mon histoire », l’une des plus bouleversantes de la soirée. Est-ce un choix volontaire ? Benoît Rameau et Sébastien Duchange, qui incarnent Jean Valjean et Javert, se ressemblent physiquement évoquant même un Janus, le visage tourné vers la lumière, l’autre vers l’obscurité. La noirceur vocale de Duchange contraste aisément avec Valjean, son obsession. Benoît Rameau (qui n’a pas, que l’on sache, de lien de parenté avec l’auteur de ces lignes) est tout simplement solaire. Sa technique de ténor rodée au récital, lui permet d’apporter d’infinis raffinements à son chant toujours expressif et magnifiquement coloré. L’ensemble des chanteurs est porté par la cheffe Charlotte Gauthier, maestra qui dynamise superbement la partition. La réussite de cette production est sans doute à marquer d’une pierre blanche car elle rappelle à un public qui a trop souvent tendance à l’oublier que sa vie culturelle et musicale est enviée dans le monde. En 2024, Paris continue à relever les défis avec brio !

Les Misérables - Théâtre du Châtelet Marius (Jacques Preiss) et Éponine (Océane Demontis) © Thomas Amouroux

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