Vinci - Gismondo, Re di Polonia
Sortie le 5 juin 2020 sous le label Parnassus Arts Productions
Ce CD devrait faire autant de bruit que la sortie de l’enregistrement d’Artaserse qui a permis la redécouverte de Leonardo Vinci. En 2012, les mélomanes médusés découvraient un opéra du temps de la prohibition papale entièrement interprété par des hommes distribués dans les rôles et masculins et féminins. Originaire de la Calabre, le compositeur a fait une grande partie de sa carrière à Naples où il a notamment succédé à Alessandro Scarlatti à la Real cappella. Il s’est fait connaître avec ses comédies en musique en dialecte napolitain (très courues à l’époque) avant de s’attaquer au genre Seria et de venir conquérir Rome, à la barbe de son rival de toujours Nicola Porpora. Nous sommes à l’époque des castrats qui ont emmené dans leur tombe bon nombre de partitions devenues difficilement exploitables sans eux. Grâce à la redécouverte de la technique falsettiste et au nouvel engouement pour la musique baroque, nous assistons presque 300 ans plus tard à d’incroyables trouvailles comme ce Gismondo. Sigismond II, roi de Pologne n’est qu’un des personnages de l’intrigue qui tourne autour d’un couple d’amoureux qui s’aime mais pour qui cela ne va pas se passer si simplement… comme on l’imagine !
L’abondant et très explicatif texte du luxueux coffret-livre nous apprend que le livret écrit par Francesco Briani en 1709 a d’abord été mis en musique par Antonio Lotti pour être repris vingt ans plus tard de façon très opportune par Vinci. Destinée à l’origine au roi du Danemark, la dédicace ira sous la plume du Napolitain à James Edward Stuart (prétendant catholique à la couronne d’Angleterre exilé alors à Rome) richement doté d’une pension par la papauté. Même si les francophones sont privés d’une traduction du livret, l’intrigue se suit avec gourmandise mais c’est la belle inspiration du compositeur que l’on admire de nouveau. Un artiste plus particulièrement est à l’origine de la renaissance Vinci. Après Artaserse et Catone in Utica, Gismondo, Re di Polonia est la troisième exhumation offerte grâce au travail de production de Max Emanuel Cencic. Le célèbre contre-ténor se permet pour la première fois une petite entorse à la règle en confiant à des artistes femmes les rôles créés à l’origine par des hommes. Ce sont donc trois sopranos et quatre contre-ténors qui se partagent les différents rôles. Loin de trahir l’esthétique baroque, cette configuration vocale garde l’essence des voix de registre aigu tout en offrant une multitude de timbres bien reconnaissables.
Tous les artistes sont à saluer. L’homogénéité des talents révèle un esprit de troupe car chacun brille tour à tour dans un enregistrement visiblement réalisé à la suite de concerts. Nous distinguerons toutefois la Cunegonda de Sophie Junker au timbre soyeux. Avec le récent album Haendel de très belle facture, la soprano s’affirme comme la nouvelle voix à suivre. Yuriy Mynenko dans le rôle de son amoureux Otone possède lui aussi beaucoup de charme. Primislao, le rôle à cabriole vocale revient à Aleksandra Kubas-Kruk aux aigus pétaradants. Le style est sans doute légèrement débraillé mais peut-être que cette exhibition de moyens est justement ce qui plaisait à l’époque des castrats. Il faudrait citer Max Emanuel Cencic bien évidemment et également Jake Arditti, Dilyara Idrisova et Nicholas Tamagna, tous enthousiasmants. Les lauriers seront déposés sur la tête de la cheffe Martyna Pastuszka qui à la tête du {OH !} Orkiestra Historyczna enflamme la partition et rend ce nouvel opus vincien recommandable et très vivement recommandé.