Rameau Les Boréades - Václav Luks
Sortie le 11 septembre 2020 sous le label Château de Versailles Spectacles
Même s’il est maintenant admis que Jean-Philippe Rameau est l’un des plus grands compositeurs baroques français, sa discographie reste bien sage en comparaison d’un Vivaldi ou d’un Haendel. Avant cette nouvelle parution, son ultime chef-d’œuvre Les Boréades n’a eu les faveurs du CD qu’une seule et unique fois. Il faut rappeler le destin particulier de l’opéra. En 1764, les répétitions ont lieu et pourtant, le 12 septembre, la mort emporte le compositeur ce qui met fin à toute l’entreprise. La partition est alors déposée à la Bibliothèque Nationale et malgré les efforts des soutiens de Rameau pour la faire jouer, elle est condamnée à prendre la poussière, les goûts ayant changé. La mode va de nouveau évoluer, comme toujours... Quelques tentatives d’exhumation ont lieu partiellement au concert au cours d’un XXe siècle curieux, avant la création scénique. Elle prendra place enfin au Festival d’Aix, le 21 juillet 1982 sous la direction de John Eliot Gardiner. Avec l’enregistrement qui a suivi l’événement, le chef anglais a dégagé l’horizon ramiste avec cette tragédie lyrique d’un goût nouveau. Les Boréades qui ne possède plus de prologue engage le compositeur dans une nouvelle voie expressive balisée pas la symphonie. Bien avant Wagner, Rameau utilise des leitmotivs et fait preuve d’une modernité qui hélas ! ne laissera pas de postérité musicale.
Beaucoup plus que dans ses autres chefs-d’œuvre, c’est la musique qui raconte ici. Les grands chefs baroques l’ont bien compris, Gardiner le premier qui a laissé un témoignage de référence. Frans Brüggen, Teodor Currentzis et surtout Marc Minkowski ensuite ont habilement pioché dans la partition des Boréades pour créer leur symphonie imaginaire. Václav Luks dans l’enregistrement qui nous intéresse ici semble avoir complètement oublié cet aspect essentiel d’une partition pourtant géniale. Sa direction trop souvent atone n’ose que rarement les envolées et manque globalement de rebond. Il semble porté par la beauté de son orchestre (et du choeur), le superbe Collegium 1704, sans savoir en tirer le théâtre attendu. Luks s’efface au profit de ses chanteurs qui sont hélas livrés à eux-mêmes. C’est également une déception d’entendre Mathias Vidal que l’on admire souvent se confronter à la tessiture exigeante d’Abaris sans créer un personnage. Par exemple dans « Charmes trop dangereux », il cherche l’effet en encombrant son chant de coups de menton inutiles. Deborah Cachet apporte son joli timbre et un aplomb appréciable à Alphise mais le couple est mal assorti, la soprano suivant une ligne de chant plus monochrome. Le ténor Benedikt Kristjánsson se sort facilement du suraigu de Calisis. Les interventions de Caroline Weynants et de Nicolas Brooymans impérial sont très convaincantes. Le travail du reste de la distribution en grande partie tchèque est à saluer même l’on avoue être souvent gêné par le français approximatif. Nous aurions vraiment aimé défendre cette parution d’un opéra qui ne demande qu’à être écouter. Espérons qu’un vent rusé inspirera Raphaël Pichon ou György Vashegyi. La nouvelle version des Boréades se fait toujours attendre.