Gala des Voix Nouvelles au Théâtre des Champs-Elysées
Comme la comète de Halley, le Concours Voix Nouvelles a une périodicité bien trop élevée pour laisser passer le concert des lauréats. Au Théâtre des Champs-Elysées, les jeunes étoiles ont été accompagnées par des stars plus affirmées. Pour autant, étions-nous au septième ciel ? Réponse…
Le verdict a été rendu le 10 février 2018 à l’Opéra Comique couronnant la soprano Hélène Carpentier nouvelle Voix Nouvelles. Mais c’est au Théâtre des Champs-Elysées, ce lundi 24 septembre que le spectacle commence. Le concert de gala a réuni trois des jeunes lauréats de la cuvée 2018 avec également trois artistes de l’édition 2002. Initié en 1988, le concours Voix Nouvelles n’a connu que quatre éditions en tout qui ont tout de même permis de révéler les grands noms de Natalie Dessay, Alexia Cousin, Anne-Catherine Gillet, Stéphane Degout et de Nathalie Manfrino, Karine Deshayes et Florian Laconi présents ce soir sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées.
Ouverte aux seuls artistes francophones, la compétition 2018 a recueilli 607 candidatures pour ne distinguer que six jeunes chanteurs (dont la soprano Angélique Boudeville, la mezzo Eva Zaïcik, second et troisième prix et le ténor Kévin Amiel). La soprano Caroline Jestaedt et le baryton Anas Séguin, également distingués, ont complété l’affiche du concert composé d’airs et de duos d’opéra bien connus.
Et maintenant, place aux jeunes…
Le baryton a fièrement ouvert le bal avec le Largo al factotum du Barbiere di Siviglia. Rossini convient bien à la voix séduisante du jeune homme qui habite facilement le personnage avec une présence physique évidente que l’on a déjà remarqué sur les scènes parisiennes. Hélène Carpentier a plus de mal à faire exister son Adina de L’Elisir d’amore de Donizetti. La voix possède bien des charmes mais à 23 ans, elle manque encore d’assise et de surtout de profondeur. La comédienne minaude beaucoup dans un air des bijoux de Gounod surdimensionné car elle n’a sans doute pas suffisamment l’expérience de la scène.
Il faut reconnaître qu’avec ce premier prix, les attentes sont bien grandes pour une si jeune artiste ainsi exposée. Souhaitons-lui d’éviter les écueils d’une carrière trop tôt engagée. Le répertoire choisi par Caroline Jestaedt convient mieux aux jolis moyens de cette voix légère. Les aigus pianissimo planent dans Caro nome de Rigoletto. Dans le duo Norina/Malatesta du Don Pasquale de Donizetti, la jeune femme possède l’aplomb que réclame le rôle et chante avec beaucoup de naturel. A la tête d’un Orchestre Colonne qui a rempli sa mission d’accompagnateur, le chef Jean-Yves Ossonce s’est montré attentif, en se prêtant de bonne grâce à l’exercice des airs d’opéra en patchwork.
Les anciens récipiendaires ne font pas tapisserie
La différence de décibels entre les différents morceaux a parfois obligé le mélomane à faire le grand écart entre les jeunes chanteurs et les artistes confirmés. Pas toujours très juste, Florian Laconi est toutefois un ténor généreux. Ses aigus pétaradants rassasient un public conquis même si l’artiste ne semble pas véritablement s’embarrasser de nuances. Sortie victorieuse de l’édition 2002, la soprano Nathalie Manfrino a fait un beau parcours sans toutefois combler tous les espoirs d’une carrière à l’étranger. Au Théâtre des Champs-Elysées, quelques duretés nous ont empêché d’apprécier sa prestation, notamment dans le grand air de Rusalka, révélant un vibrato prononcé et de nombreuses imperfections.
Il suffit en revanche à la mezzo Karine Deshayes d’apparaître sur scène pour comprendre ce qui constitue une star internationale. Dotée d’une technique infaillible, la superbe diva à la présence évidente répond à toutes les attentes. L’air de Sapho de Gounod « Ô ma lyre immortelle » et surtout « Si vuol di Francia il Rege » extrait de Maria Stuarda de Donizetti ont été les grands temps forts de la soirée.
Ce grand concert où l’on a beaucoup applaudi est le prélude à une tournée internationale s’étalant sur vingt dates. Les lauréats affranchis de la présence de leurs illustres ainés se produiront de Marseille à Nice en passant par l’île de la Réunion, Beyrouth ou Bruxelles. Comme l’a très justement dit la charmante Judith Chaine dans sa présentation, place maintenant à leur envol…