Un Timbre d’argent à l’Opéra Comique transformé en or
Que de mystères à l’Opéra Comique ! Une oeuvre complètement inconnue est à l’affiche composée pourtant par Camille Saint-Saëns, une sommité. Mais qu’est-ce donc que ce « Timbre d’argent » ? Et qu’est-ce que ça vaut ? CCC vous dit tout…
Après les réjouissances baroques avec l’Alcione de Marin Marais, l’on retrouve ce mardi 13 juin 2017 les nouveaux ors de la salle Favart rénovée pour apprécier cette fois, le versant XIXe siècle du répertoire lyrique avec Le Timbre d’argent de Camille Saint-Saëns.
Entre redécouverte et patrimoine, l’Opéra Comique fait coup double en proposant une œuvre d’un compositeur français célèbre mais qui depuis 1914, n’avait jamais plus été à l’affiche. D’ailleurs, seuls les grands connaisseurs avaient entendu parler du Timbre d’argent avant, les opéras de Saint-Saëns étant quasiment tous tombés dans l’oubli à l’exception notable de Samson et Dalila. L’histoire de sa composition est rocambolesque. Entre la commande et la première représentation, il aura fallu une dizaine d’années pour que l’opéra voit finalement le jour en 1877.
Camille Saint-Saëns, un style patchwork ?
La musique s’en ressent car s’y superposent différents styles qu’il est facile d’identifier, le chef d’orchestre François-Xavier Roth jouant des contrastes. C’est grâce aux efforts conjugués de l’Opéra Comique, du Palazetto Bru Zane (dont on ne louera jamais assez le travail passionnant de défricheur) et du chef que l’on redécouvre cette partition aujourd’hui.
Qui d’autre que Roth pour emmener cette musique merveilleuse ? A la tête de son orchestre historiquement informé Les Siècles, il se permet des effets de stéréos en faisant intervenir le chœur accentus (parfait de diction et de cohérence) de la salle, des coulisses ou des galeries et utilise là une accordéoniste, ici des cordes qui rappellent même la viole de gambe.
Autre point fort de cette production, la mise en scène de Guillaume Vincent reste fidèle au livret de messieurs Barbier et Carré (à qui l’on doit le Faust de Gounod, faut-il le rappeler ?). Il tire le meilleur parti d’un dispositif simple en ménageant des effets de surprise à chaque tableau. Ainsi posée, l’intrigue est facile à suivre. Conrad le héros démuni fait sonner une clochette démoniaque (le fameux timbre d’argent) pour s’enrichir mais il cause à chaque fois la mort d’un proche.
Le ténor Yu Shao s’impose en tête de la distribution
Edgardas Montvidas porte la partition sur les épaules et ne démérite pas même si avec une diction parfaite et un timbre de toute beauté, c’est le ténor Yu Shao (dans le rôle de Bénédict l’ami fidèle) qui rafle la mise. Dans le rôle d’Hélène l’amoureuse éconduite et dans celui de sa sœur Rosa, Hélène Guilmette et Jodie Devos sont bien distribuées mais elles ne s’imposent pas vraiment. La faute en revient sans doute à la partition. Quasiment absentes des premiers actes, elles chantent de beaux arias malgré tout éclipsés par ceux de Bénédict ou de Spiridion.
Dans le rôle du médecin démoniaque qui rappelle fortement les vilains des Contes d’Hoffmann, Tassis Christoyannis s’en donne à cœur joie avec des moyens adéquats. Dans le rôle muet de la courtisane Fiammetta qui va précipiter le déclin de Conrad, la danseuse Raphaëlle Delaunay est fascinante. Avec une chorégraphie qui va chercher des références dans la statuaire des années folles où l’on reconnait Josephine Baker, à chaque apparition, elle capte l’attention jusqu’à phagocyter ses partenaires.
Ce Timbre d’argent est un nouveau succès pour l’Opéra Comique car l’on sort de la représentation en souhaitant redécouvrir les autres opéras de Camille Saint-Saëns, pourvu que François-Xavier Roth en reste le chef providentiel.