Pas plus de 6 pour former un groupe !
Depuis de récentes annonces, il semble que le chiffre six soit particulièrement tendance en France. Cependant, pas besoin d’un complot mondial pour parler du Groupe des Six. Un ouvrage paru chez Actes Sud décortique le mythe et l’histoire de ses compositeurs. Les Six passent à table ! Compte-rendu...
Pour tous les mélomanes, le Groupe des Six évoque des musiciens bien avant le nombre autorisé de convives autour d’une table. De récentes restrictions les forçant à rester à la maison, l’occasion est idéale pour se plonger dans la lecture d’un livre passionnant qui vient de paraître aux éditions Actes Sud. La collection de biographies de compositeurs dirigée par Bertrand Dermoncourt comporte déjà une soixantaine de titres où ne figurent pas encore les noms de Poulenc, Milhaud ou Honegger. Peut-être en préambule à de futurs ouvrages attendus, Le Groupe des Six, sous-titré « Une histoire des Années folles » se dévore comme un roman.
Qu’est-il arrivé à Germaine ?
L’auteur Pierre Brévignon s’attache à suivre en détail la vie et la mort de cette formation qui regroupa jadis les compositeurs Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre. Les Mariés de la tour Eiffel est connu de tous mais il est amusant de constater qu’en dehors de cette œuvre phare, il reste bien difficile de citer un autre titre. Comme une évidence, un premier constat saute aux yeux du lecteur. Aussi réputé soit-il, le Groupe des Six n’a composé qu’un nombre réduit d’opus. Son histoire est finalement assez méconnue. Créé presque par hasard en 1920, l’ensemble ne connaîtra qu’une gloire éphémère car cinq ans plus tard, il n’en était déjà plus question. Pierre Brévignon évoque l’engouement suscité à la création puis les tensions internes sans toutefois prendre partie pour l’un ou l’autre. Les compositeurs sont décrits chacun dans leur fauteuil (comme dans le tableau de couverture) et l’on comprend pourquoi le nom de Louis Durey a presque entièrement disparu ou pourquoi celui de Germaine Tailleferre est si effacé.
Le Groupe des Six était sept !
Avec un détachement plaisant, l’auteur décrit parfaitement l’influence presque burlesque de l’écrivain Jean Cocteau. En réalité, avec ce démiurge, les Six était sept ! Comme l’écrit si ben Pierre Brévignon : « à Jean Cocteau revenait d’enfiler le costume d’impresario... ». Son rôle d’homme de l’ombre prenant toute la lumière est décrit avec une malice réjouissante même s’il n’en sort pas vraiment grandi. Les critiques (entre complaisance et attaques) et plusieurs autres grandes figures de la musique classique de l’époque sont évoquées à dessein comme Erik Satie qui fut le parrain du Groupe. L’ouvrage se lit presque comme un roman policier dans lequel Claude Debussy et Richard Wagner seraient les ennemis et Maurice Ravel, celui par qui le drame arrive. Il faut saluer le style à la fois précis et divertissant de Pierre Brevignon. Son plus grand talent est de partager une érudition remarquable comme si de rien n’était. Un vrai plaisir de lecture doublé de nombreuses découvertes, voilà de quoi occuper idéalement nos soirées en deuil de spectacles vivants !