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Un fou grippé entraîne des enfants sur la scène du Châtelet

Un fou grippé entraîne des enfants sur la scène du Châtelet

Le Théâtre du Châtelet peut être imaginé comme le musée d’un patrimoine vivant : la voix ! Avec Orlando de Haendel, l’opéra revient en folie dans une mise en scène où des enfants volent parfois la vedette à d’excellents chanteurs. Explications…

Katarina Bradić dans Orlando au Théâtre du Châtelet

Katarina Bradić – Orlando / Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux

Le Roland furieux de l'Arioste a inspiré bon nombre de compositeurs, sa folie ayant été mise en musique par les plus grands. Le livret de l’Orlando de Haendel s’articule autour d’un quatuor amoureux avec une intrigue biscornue à souhait. Orlando aime Angelica alors qu’elle s’est unie à Medoro, lui-même aimé par Dorinda. Malgré l’imbroglio à l’italienne et la sublime musique, l’action assez réduite peut poser quelques difficultés au metteur en scène, surtout avec une distribution de malade. Au Théâtre du Châtelet qui après des Misérables triomphants renoue avec l’Opéra, la mezzo-soprano Katarina Bradić a été annoncée grippée alors qu’elle incarnait Orlando. Ce soir de première, le 23 janvier 2025, sa grande scène de démence était particulièrement attendue, surtout dans une nouvelle production signée d’une jeune metteuse en scène.

Une nuit au musée amusera plus les petits que les grands

Katarina Bradić & Siobhan Stagg dans Orlando au Théâtre du Châtelet

Katarina Bradić & Siobhan Stagg – Orlando / Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux

Jeanne Desoubeaux, qui n’en est pas à son coup d’essai, savait que la grande scène de la folie d’Orlando était particulièrement attendue. Pivot central de l’opéra de Haendel placée juste avant l’entracte, elle est également l’acmé de la partition. Les briscards de la critique ayant déjà vu les plateaux se dénuder pour signifier la perte de raison, la magie opérera sans doute plus sur une jeunesse, également présente la scène. L’idée amusante de Desoubeaux est de placer l’action dans un musée où les visiteurs s’arrêtent devant les tableaux d’une exposition comme ce groupe d’enfants gentiment dissipés ou même Christophe Rousset en personne ! Quatre plus intrépides (des élèves danseurs du Conservatoire Ida Rubinstein - Conservatoire à Rayonnement Régional de Pars, tous excellents) se cacheront dans le local technique pour passer une nuit au musée au cours de laquelle les personnages historiques prendront vie comme dans un film hollywoodien. La scénographie de Cécile Trémolières qui permet des mouvements de décor fluides est à remarquer. Jeanne Desoubeaux sait que la partition ne lui propose que peu d’action. Elle sait également que l’aria da capo peut être interminable et procurer beaucoup d’ennui. Les enfants, double des personnages, courent un peu partout, miment des scènes de bataille, sautent sur les banquettes et remplissent les temps morts. Grâce à eux, on ne voit pas le temps passer même si cette bonne idée relègue les héros haendéliens au second plan. Il manque en effet une dose de psychologie et de direction théâtrale pour comprendre les errements d’Orlando ou pour s’émouvoir.

La grippe moins contagieuse que le beau chant

Siobhan Stagg, Giulia Semenzato et Elizabeth Deshong dans Orlando au Théâtre du Châtelet

Siobhan Stagg, Giulia Semenzato & Elizabeth Deshong– Orlando / Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux

Quelques scènes restent très réussies, portées par un quatuor de soliste de tout premier plan. Assurément empêchée par la grippe, dans le rôle d’Orlando, Katarina Bradić manque en effet de projection et sa voix de volume. Malgré tout, les vocalises en mitraillette sont impressionnantes et le timbre vocal très appréciable. Il est dommage qu’elle ne s’abandonne pas complètement à la folie du personnage qu’elle incarne prudente avec trop de retenue. A l’inverse, Siobhan Stagg en ajoutant un petit grain s’amuse comme une folle en Angelica, rôle qui lui convient à merveille. Dans Haendel, la voix s’épanouit avec une certaine opulence. En choisissant une femme pour incarner le héros chanté à sa création par Senesino, le plus célèbre des castrats de l’époque, Christophe Rousset a réuni une distribution parfaite car les quatre voix féminines possèdent des timbres très différenciés qui se marient admirablement. Une jolie scène d’amours saphiques procure un intense plaisir vocal. Medoro est un rôle presque trop court pour Elizabeth Deshong qui exploite à ravir sa large tessiture jusqu’aux graves attrapés avec facilité. Giulia Semenzato est un enchantement en Dorinda. La jolie bergère est la plus touchante des héroïnes avec des arias qu’elle colore avec raffinement. Côté messieurs, Zoroastro dans cette mise en scène est un conservateur de musée démiurge qui joue de magie pour faire revivre les personnages. Même s’il brille moins que ses partenaires, Riccardo Novaro possède l’abattage suffisant pour affronter les difficultés de son grand air « Sorge infausta una procella » avec panache. A la tête des Talens Lyriques très en beauté, le chef Christophe Rousset est le dernier artisan de la réussite musicale de la soirée. Sans exagérations théâtrales, les accents servent une lecture fidèle et claire où la voix est choyée. En happy end, les enfants retrouvent leur maman (nos quatre chanteuses), et tout le monde rentre chez soi, comme les spectateurs du Châtelet, enchantés de la résurrection des grandes et belles voix dans ce patrimoine de l’opéra.

Final d'Orlando au Théâtre du Châtelet

Orlando / Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux

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