Résultats du Bachfest, Blomstedt obtient l’excellence
Dans la saison musicale, il y a des rendez-vous incontournables : l’ouverture de la Scala, le Neujahrskonzert au Musikverein et le concert de clôture du Bachfest de Leipzig. A 90 ans, Herbert Blomstedt le transforme en une expérience au-delà de l’émotion. Compte-rendu…
Il y a pléthore de festivals Bach dans le monde mais s’il l’on devait n’en retenir qu’un, notre choix se porterait comme une évidence sur le Bachfest de Leipzig. Le compositeur a vécu dans la ville allemande, il y a travaillé et composé la plus grande partie de son Oeuvre. Il repose d’ailleurs au pied de l’autel de la Thomaskirche (l’église Saint-Thomas) qui a été le lieu de création de nombreuses cantates, des passions et de la Messe en si mineur (Messe in h-Moll BWV 232). Lorsqu’en clôture de festival, ce chef-d’œuvre est interprété par le Gewandhausorchester dirigé par Herbert Blomstedt, il convient de parler d’une expérience plutôt que d’un concert.
Ce 18 juin 2017, les spectateurs du monde entier étaient réunis dans un recueillement exemplaire. Pas une toux, pas un râle ne sont venus perturber la musique transformant l’église en un paradis pour le mélomane. Les musiciens placés à la tribune en surplomb se trouvaient dans le dos du public, le plongeant ainsi dans un halo sonore. Cette configuration nous prive du spectacle habituel avec un chef gesticulant devant orchestre, chœur et solistes attentifs mais permet de rester concentrer sur la musique et rien que la musique de Bach.
Le Gewandhausorchester : un grand orchestre symphonique léger comme une plume
C’est une Messe en si version grand orchestre qui nous est proposée mais sans pour autant revenir à une esthétique symphoniste épaisse. Herbert Blomstedt retrouve une complicité évidente avec le Gewandhausorchester, formation dont il a été directeur musical de 1998 à 2005. La rondeur des cordes et la précision des vents est un luxe rendu. Le chef suédois a la grande intelligence de ne pas alourdir le continuo ou de surcharger l’orchestre. L’ensemble sonne grandiose quand il le faut, intime quand il le doit. A 90 ans, pourtant familier de la partition, Blomstedt nous offre une approche renouvelée. A la fois intériorisée et flamboyante, l’interprétation est celle d’un jeune homme libre. Dans le Sanctus par exemple, il retient l’orchestre puis le relâche comme une vague de musique qui se retire pour déferler. Tout semble d’un parfait naturel.
L’interprétation de Blomstedt lumineuse comme un rayon de soleil
Est-ce l’éloignement des solistes qui les rend moins audibles ? La soprano Christina Landshamer et le ténor Wolfram Lattke paraissent avoir des voix un peu petites qui peinent curieusement à occuper l’espace. La mezzo Elisabeth Kulman possède une vocalise franche et passe mieux notamment dans un Agnus Dei retenu et apaisé. Le baryton italien Luca Pisaroni se distingue du quatuor avec sa superbe qui n’a pas forcément toute sa place ici. La question intéresse les musicologues depuis longtemps. La Messe en Si de Bach est-elle une pièce catholique ou plutôt luthérienne ?
Lors de ce concert Herbert Blomstedt apporte une réponse évidente. Il sait être extatique sans emphase, tout à la fois profond et éclatant pour dépasser les clivages et les aprioris sur cette œuvre forcément universelle. La lumière jaillit dans la musique mais aussi sur les murs de la Thomaskirche qu’un soleil rasant vient lécher au moment du Et resurrexit. Le Dresdner Kammerchor mérite tous les éloges avec une intelligibilité exemplaire. Point culminant, le Dona nobis pacem final a suscité un trouble intense, tirant des larmes d’émotion. L’on quitte Bach et Leipzig avec l’impression de ne pas avoir assisté à un concert mais plutôt d’avoir vécu une expérience unique. Sous le regard bienveillant de celui qui tutoie Dieu, nous avons effleuré par petites touches une part de divin.