Le triomphe d’une autre Aida aux Chorégies d’Orange 2017
On l’attendait comme le grand événement de l’été et tout était prêt pour le triomphe d’Aida aux Chorégies d’Orange. Sonnez trompettes… sauf que les températures sahariennes ne conviennent pas forcément à tous les grands chanteurs. Aida et le ciel t’aidera ? pas si sûr ! Compte-rendu…
De nombreux orages ont menacé les Chorégies d’Orange 2017. Le plus lourd sans doute a été d’ordre financier car début août, l’on apprenait que le festival était au bord de la faillite. Les heures sombres n’ont toutefois pas sonné cette fois grâce au soutien apporté par l'État et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Un prochain audit devrait éclaircir le ciel une bonne fois pour toutes, nous l’espérons. Ce 5 août 2017, trois gouttes de pluie ont bien titillé le front des spectateurs venus assister à la deuxième représentation d’Aida de Verdi. Mais là encore fausse alerte, les gros nuages ont été poussés par le mistral, invité de dernière minute.
Rappelons que la foudre a déjà frappé cette saison. A quelques semaines du début de la deuxième production lyrique, Sondra Radvanovsky, l’une des plus grandes titulaires du rôle-titre a confirmé que son état de fatigue ne lui permettrait pas d’assurer les représentations. Il ne restait plus que deux options à Jean-Louis Grinda, le vaillant nouveau directeur des Chorégies. Soit faire appel à la doublure prévue ou proposer le rôle à une jeune débutante (c’est ainsi que de nombreuses carrières ont commencé comme celle de Montserrat Caballé, Renée Fleming, etc.).
Avec un ténor en difficulté, l’Aida de secours sauve la production
Tonnerre de Brest en Provence ! la doublure ne peut arriver que l’avant-veille sans répéter, le choix se porte donc sur Elena O’Connor. C’est une véritable gageure, et pour le directeur et pour la soprano inconnue du public. Le pari est à moitié réussi. Il est trop tôt pour la voix de la très jolie chanteuse qui n’a pas le format hors norme d’une Aida mais sa fragilité reste touchante. Elle a interprété un « O patria mia » sans faute qui ne méritait pas les huées du public aux saluts, lui reprochant sans doute de ne pas être celle qu’il attendait. A nos yeux la grosse déception est venue de Marcelo Alvarez. Pour avoir déjà entendu à deux reprises le ténor dans le rôle de Radamès, l’on sait de quoi il est capable. Vraisemblablement gêné par le mistral et la chaleur écrasante (il faisait encore 32° ce jour de canicule), il a frisé la catastrophe dans « Celeste Aida » avec un aigu piano final complètement escamoté. Le chef Paolo Arrivabeni a conduit l’Orchestre National de France avec métier et a rempli son office sans éclat particulier avec des chœurs d’un même niveau professionnel.
Au sommet de la pyramide, la mezzo Anita Rachvelishvili nous contemple
Paul-Emile Fourny, le metteur en scène habitué du grand plateau du Théâtre antique a osé l’Egypte en gardant toutefois une retenue « historique » avec Napoléon. En plaçant l’action à l’époque de Mariette dans un musée du Caire fantasmé, il utilise des éléments de décor bien connus, pyramides, temples et une belle érection d’obélisque mais le mélange des styles ne fonctionne pas vraiment. En revanche, la magie opère avec les costumes et quelques numéros de danse dont l’un perturbé par un sac plastique, vestige des années 2017, placé là par un mistral taquin. Un très bon Ramfis interprété par Nicolas Courjal est venu compléter le reste de la distribution au sommet. Avec de grands moyens et beaucoup de naturel, Quinn Kelsey incarne un Amonasro parfait, tour à tour inquiétant et émouvant dans son grand duo avec Aida. Le triomphe absolu est porté par la mezzo Anita Rachvelishvili dans le rôle d’Amneris. La voix est impériale et avec une maîtrise insolente qui permet toutes les nuances, l’on passe du noir profond aux élans brillants qui nourrissent l’interprétation exceptionnelle.
La confession finale est tout simplement inoubliable et offre aux Chorégies d’Orange, un autre grand moment à inscrire dans le marbre du théâtre antique.