Amadigi de Haendel conquiert le Théâtre de l’Athénée
Le mélomane baroque n’a pas souvent la chance d’entendre les opéras du grand Haendel. Lorsque dans l’écrin du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, il a l’opportunité d’entendre le rare Amadigi, il va à la découverte. Compte-rendu…
Les productions se suivent au Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet avec toujours le même bonheur. Sur cette scène à taille humaine et dans l’acoustique de la salle aux dorures subtiles, l’opéra baroque ne peut que s’épanouir. Le dimanche 27 janvier 2019, Amadigi de Haendel était à l’affiche pour sa troisième représentation. Créée au Théâtre Sénart, la production de l’ensemble Les Paladins de Jérôme Correas fait l’objet d’une grande tournée avec quatorze dates en Ile-de-France. Soyons bref sur la scénographie de Bernard Levy, aussi bref que les idées de mise en scène. Pour tout décor, trois murs vidéo entourent le plateau et changent de couleur à chaque tableau.
Ensuite, une mise en place pratique et efficace permet au moins aux chanteurs de trouver leurs marques. Le théâtre vient assurément de la fosse. Les attaques du chef Jérôme Correas sont franches et l’ensemble Les Paladins sonne résolument baroque avec le luxe de cuivres sans fausse note (notamment dans un air de furie bien maîtrisé). Les beautés de l’orchestre haendelien ne sont pas oubliées dans cet opéra qui souffre pourtant d’un défaut de notoriété.
Sophie Pondjiclis enfile le costume du héros
Le dixième ouvrage du compositeur saxon, coincé entre l’usine à tubes Rinaldo et avec un sujet proche d’Alcina subit ici quelques coupes qui allègent la soirée. Toutefois, lorsqu’il s’agit des airs du héros magistralement interprété par Sophie Pondjiclis on le regrette, tant la prestation est convaincante. La dernière fois que l’on avait applaudi la flamboyante mezzo, elle était Madame de Croissy dans Dialogues des Carmélites où elle nous avait laissé un souvenir impérissable. Après les habits de la vieille femme agonisante, elle porte haut le costume d’Amadigi qu’un remplacement opportun lui permet d’enfiler.
Chez Poulenc ou dans le baroque, vocalement c’est le même enchantement avec ici des vocalises nettes, précises et impeccables et une longueur de souffle impressionnante. Le timbre soyeux devient solaire dans la partition de Haendel avec de magnifiques aigus dardés. Malheureusement, la prestation d’Aurélia Legay en Melissa est à l’opposé. Luttant sans cesse avec la justesse, la soprano se réfugie dans la véhémence en poussant les décibels pour masquer hélas ! trop de problèmes. L’exubérante actrice campe une magicienne gouailleuse dont la mort est le meilleur moment et un soulagement pour les héros.
Les amours tourmentées d’Amel Brahim-Djelloul
Objet de toutes les convoitises, l’amoureuse Oriana a les traits toujours aussi charmants d’Amel Brahim-Djelloul. La voix de la soprano pourrait sans doute être trop légère pour de grands espaces. Elle trouve dans l’acoustique de l’Athénée un écrin idéal. Le timbre précieux et délicat séduit et la prestation théâtrale convainc facilement en offrant quelques beaux moments d’émotion. Dans le rôle du rival Dardano, Séraphine Cotrez est une jeune artiste à suivre de près car son contralto laisse facilement présager une future Cornelia dans Giulio Cesare. Les récitatifs entre parler et chanter sont parfois trop incarnés et dénudent l’aria qui suit du volume attendu. Quelques ajustements dans le passage au registre grave seront assurément la dernière marche à gravir pour ouvrir toutes les portes des scènes lyriques.
Chanteuses, chef et orchestre sont sincèrement investis pour offrir au spectacle toute la transcendance nécessaire permettant aux mélomanes d’apprécier la superbe d’un Amadigi et de ses comparses.