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Une Semele au poêle au Théâtre des Champs-Elysées

Une Semele au poêle au Théâtre des Champs-Elysées

Semele est un de nombreux chefs-d’œuvre de Haendel mais sans doute le plus exigeant vocalement. En choisissant la soprano star Pretty Yende comme tête d’affiche pour ses débuts dans le baroque, le Théâtre des Champs-Elysées va-t-il se brûler ? Réponse…

Ben Bliss, Pretty Yende - Semele / Théâtre des Champs-Elysées © Vincent Pontet

La dernière saison de Michel Franck comme directeur général et artistique du Théâtre des Champs-Elysées est exemplaire du travail accompli au cours de ses 15 années passées avenue Montaigne. Grâce à son goût pour Haendel qui va au-delà d’une simple affinité, les spectateurs parisiens se sont habitués aux grandes distributions dans les nombreuses versions de concert et les quelques productions d’opéra du compositeur anglo-saxon. Même si Semele est à proprement parler un oratorio, le livret se prête de toute évidence à la mise en scène et l’œuvre exigeante, au grand spectacle tant vocal que théâtral. Ce 6 février 2025, soir de la première représentation d’une nouvelle production, fidèle à sa réputation, Franck a choisi le meilleur. L’affiche avait même suscité bien des attentes avec Pretty Yende dans le rôle-titre, la soprano star abordant le répertoire baroque pour la première fois. Quelques huées ont toutefois accueilli les artistes aux saluts.

Les amours ancillaires de Sir Jupiter déplaisent à Mrs Junon

Pretty Yende, Niamh O’Sullivan & Alice Coote - Semele / Théâtre des Champs-Elysées © Vincent Pontet

Elles ne se sont pas adressées à Emmanuelle Haïm rompue à ce répertoire. La grande cheffe baroque maîtrise la partition qu’elle connaît bien pour l’avoir déjà dirigée, notamment à Lille en octobre 2022. Attentive et prudente, elle soutient ses chanteurs quitte parfois à laisser le théâtre au second plan. Le Concert d’Astrée (Chœur et Orchestre) est capable de bien de beautés et même si la séduction opère, on peut regretter toutefois que l’orchestre ne soit pas suffisamment acteur du drame rendu explicite. Oliver Mears a pris le parti d’une actualisation plutôt réussie pour les spectateurs qui découvrent Semele. Oublions Gustave Moreau car il n’est plus question de dieux dans sa mise en scène mais de lutte des classes. Jupiter et Junon sont des aristocrates sanguinaires pour qui la petite bonne Semele n’est qu’un objet sexuel ou sujet de jalouses querelles. L’issue fatale de ces amours ancillaires (l’héroïne finit réduite en cendres après avoir exigé de voir Jupiter dans toute sa gloire divine) est annoncée dès l’ouverture où l’on voit Pretty Yende extraire des cendres d’un grand poêle à bois pour remplir une urne, sous le regard concupiscent du maître des lieux. Une fois lassé, monsieur Jupiter aristo se débarrassera de son encombrante maîtresse en l’invitant à se réfugier dans le poêle, après qu’elle ait donné naissance à un fœtus ensanglanté. Après l’allumage des feux, une nouvelle servante, blonde cette fois, fait son entrée à la toute fin pour accomplir à nouveau la tâche de la précédente. La crudité de la scène d’accouchement a sans doute fait réagir une partie du public. Elle se justifie toutefois dans ce contexte trivial. Les décors d’un intérieur cosy où trône un lit circulaire rappelle la mise en scène de David McVicar de 2004 au TCE (reprise en 2010) moins radicale mais sans doute plus pertinente.

Tandis que Sémélé passe au bûcher, Cadmus finit sans pantalon

Carlo Vistoli, Pretty Yende - Semele / Théâtre des Champs-Elysées © Vincent Pontet

Le projet d’Oliver Mears est porté par une troupe de chanteurs et d’acteurs investis. Le ténor Ben Bliss qui abordait le rôle de Jupiter pour la première fois campe un personnage de Barbe-Bleue fort peu sympathique. Est-ce cette approche qui plombe l’ambiance ? Même si la tessiture assassine ne pose aucun problème à la technique vocale, certains airs comme le superbe « Where'er you walk » manque de grâce et d’abandon. Avec naturel et sans trop de profondeur psychologique, Pretty Yende est crédible dans le rôle d’une Sémélé femme légère qu’elle aborde elle aussi pour la première fois. Le charme vocal de la soprano opère malgré une partition redoutable. Même si le style baroque n’est pas encore dans l’ADN de la récente Olympia (à l’Opéra Bastille en décembre 2023), elle sait vocaliser avec une justesse parfois aléatoire. Il n’empêche que le célèbre aria « O sleep, why dost thou leave me » emmène sur les cimes du beau chant. Dans des costumes qui rappellent le personnage de Minnie Castevet dans Rosemary's Baby, Alice Coote incarne Junon, femme bafouée et courroucée mais hélas ! la mezzo s’économise bien trop dans les airs de furie qui manquent de véhémence. A l’opposé, Carlo Vistoli livre tout dans le rôle secondaire d’Athamas où sa fougue et la longueur de la voix du contreténor italien emportent l’adhésion. Un seul air suffit à Marianna Hovanisyan pour se faire remarquer en Iris (ici la secrétaire de Junon). Le rôle d’Ino, la soeur de Sémélé, pose quelques petits problèmes d’intonation à Niamh O’Sullivan qui se relève dans la deuxième partie pour livrer une belle performance. La basse Brindley Sherratt est rompue aux rôles haendéliens qu‘il défend avec une insolente santé vocale. Dans le rôle de Cadmus et surtout en Somnus, la profondeur de son instrument fait merveille surtout dans un décor de salle de bain, jonchée de cannettes de bière, paradoxalement assez poétique. Dans cette production avec une distribution essentiellement anglophone où le prosaïque côtoie l’irrévérence, la petite touche d’humour Brittish qui s’invite sur scène (Somnus est en smoking, sans pantalon) trahit la nationalité d’Oliver Mears. Le directeur du Royal Ballet and Opera de Londres et metteur en scène au talent certain, adresse son message à ses compatriotes qui le recevront sans doute mieux que les quelques mécontents du Théâtre des Champs-Elysées.

Alice Coote, Brindley Sherratt & Marianna Hovanisyan - Semele / Théâtre des Champs-Elysées © Vincent Pontet

À Rouen, des Carmélites succombent en chantant sous la pluie

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