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À la Seine Musicale, Benjamin Millepied rend Grace à Jeff Buckley

À la Seine Musicale, Benjamin Millepied rend Grace à Jeff Buckley

Dans sa discothèque idéale, le mélomane ouvert d’esprit possède forcément l’album Grace de Jeff Buckley. Aussi, lorsque le chorégraphe Benjamin Millepied l’invite à redécouvrir l’artiste à la Seine Musicale, il y va, curieux ! Explications... 

GRACE, Jeff Buckley Dances de Benjamin Millepied © Thomas Brémond

Benjamin Millepied, danseur, chorégraphe, réalisateur, artiste et surtout talent éminemment créatif, est de retour à Paris (ou plus précisément à Boulogne-Billancourt) avec un nouveau spectacle. Le mardi 5 novembre 2024, la Seine Musicale a accueilli la première mondiale de GRACE, Jeff Buckley Dances, avec sur scène The Grace Company. Millepied et son associée du Paris Dance Project, Solenne du Haÿs Mascré, ont sélectionné dix danseurs qui retracent la courte vie de l’artiste Jeff Buckley. Disparu prématurément à seulement 30 ans, il laisse un unique album, Grace, qui s’est immiscé dans l’intimité du grand public (en particulier avec la reprise de Hallelujah de Leonard Cohen). Sans jamais le croiser, Millepied a partagé dans les années 90, la même vie de quartier new-yorkais dont il restitue l’ambiance. Avec GRACE, le chorégraphe ne crée pas un simple biopic, ce que l’on aurait pu craindre, mais une œuvre transverse où la musique de Buckley croise la danse, la performance musicale, la lecture de ses textes et le cinéma. Sur la voix suave et les accords du chanteur, le chaos du monde s’efface pour faire naître cette grâce rappelant ses propres mots : « Grace is what matters in anything (La grâce est ce qui compte en toute chose) ». 

Des artistes complets par la grâce de Buckley

Loup Marcault-Derouard et Caroline Osmpont dans GRACE, Jeff Buckley Dances de Benjamin Millepied © Thomas Brémond

Au-delà d’un simple album dansé, les artistes de la Grace Company, finement choisis, ne sont pas seulement danseurs mais également musiciens, chanteurs et récitants. Avant même le début du spectacle, le public s’installe sur les accords de guitare d’Ulysse Zings avant qu’il interprète Song to the Siren de Tim Buckley (le père de Jeff) en duo avec Victoria Rose Roy. C’est sur le titre Grace que l’on découvre la troupe complète et les individualités qui se distinguent dans une chorégraphie dynamique et en élévation. Loup Marcault-Derouard interprète Jeff Buckley et lui volerait presque la vedette tant son incarnation est poignante et chargée d’émotion. Le playback est heureusement très bref. Accompagné de Caroline Osmont illustrant son intérêt amoureux, les deux membres du Ballet de l’Opéra de Paris explosent de virtuosité et d’expression. Leur complicité artistique (que l’on avait déjà pu observer lors des soirées “Danseurs Chorégraphes” à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille) est frappante. Fidèle à la “patte” Millepied, comme dans son dernier spectacle Roméo et Juliette, la vidéo est elle aussi présente mais elle est ici utilisée avec grande adresse par Olivier Simola qui a créé des tableaux saisissants. S’apparentant presque à des pochettes d’albums, ces images étayent les différentes phases de vie du chanteur, mais aussi celles de la vie en général. Grâce aux influences variées de la chorégraphie, mais aussi celles des danseurs : country, voguing, danses de cabaret etc. la richesse de la pièce relègue à l’anecdotique les rares moments de manque de justesse de Jeff Buckley. 

Millepied touchant biographe de Jeff Buckley

GRACE, Jeff Buckley Dances de Benjamin Millepied © Thomas Brémond

La scène de la Seine Musicale est suffisamment grande pour que le spectacle s’épanouisse au fil des 23 titres. Les décors sont succincts (un lit, un fauteuil, une fenêtre) mais la scénographie d’Aurélia Michelin et les lumières de Lucy Carter (avec une belle maîtrise des ombres) suffisent à façonner avec harmonie l’atmosphère et à rendre le propos facilement compréhensible. Millepied use de sensualité et d’intensité dans cette création qu’il a construite en plusieurs parties. Ponctuée de surprises (comme la reprise de Calling You, extrait de la bande originale du film Bagdad Café), la première s’impose avec évidence tandis que dans la seconde partie, le rythme s’essouffle mais finit sur un crescendo bouleversant. Les duos deviennent de plus en plus profonds et poétiques. Daisy Jacobson et Coline Omasson (qui a aussi participé au stylisme des costumes) brillent dans leurs pas de deux avec leurs partenaires Jobel Medina et David Adrian Freedland, Jr. Final en apogée, Loup Marcault-Derouard livre un solo déchirant annonçant une mort approchante. La noyade de Jeff Buckley est représentée entre quatre murs où le danseur est emporté par un manteau noir (Coline Omasson aux yeux glaçants). Représenter la vie d’une icône au travers d’un spectacle de presque trois heures sans perdre en attention et en émotion est un défi que Benjamin Millepied a relevé avec éclat. GRACE est un spectacle à ne surtout pas manquer. 

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