Les artistes prometteurs mènent la danse de l’ADAMI au bal Blomet
Chaque saison, l’ADAMI permet de mettre en avant les grands artistes de demain. Le rendez-vous annuel que les mélomanes ne sauraient manquer est devenu un incontournable car le futur se joue ici. Quelle est la saveur du cru 2024 ? Compte-rendu…
Le cadre chaleureux du Bal Blomet à Paris accueille une nouvelle fois la soirée des talents musique classique de l’ADAMI. La proximité bienvenue avec les artistes en herbe permet déjà de déceler les grands talents de demain. Ce 15 janvier 2024, dans une ambiance conviviale, ce sont huit interprètes (quatre chanteurs, une violoniste, un violoncelliste, une clarinettiste et un pianiste) qui sont venus faire un tour de piste pour non pas pour parader mais pour venir à la rencontre d’un public amical et professionnel, de nombreux confrères et consœurs critiques musicaux se trouvant dans la salle. L’indispensable institution française qui gère et défend les droits des artistes-interprètes semble avoir particulièrement bien choisi ses artistes 2023.
Tristan fait parler tout le monde
Après un petit mot introductif plein de chaleur de Anne Bouvier, présidente du conseil d'administration de l’ADAMI, Tom Carré a ouvert le bal avec un Intermezzo op. 119 No. 2 de Brahms, plein d’allant dans un tempo pressé mais doucement sentimental. Le pianiste reviendra sur scène pour les trios instrumentistes laissant à Josquin Otal impeccable (talent ADAMI 2015) le soin d’accompagner les chanteurs. Plein d’entrain et parfaitement à l’aise dans l’exercice, Tristan Labouret a animé la soirée en présentant les interprètes qui lui ont confié quelques anecdotes bien senties. Et c’est sur les mots de notre confrère que les premières notes de l’air de Cinq Mars ont résonné permettant à Abel Zamora de faire son entrée non pas sur scène mais au balcon. Le ténor possède bien des atouts, à commencer par un timbre séduisant, pour aborder cet extrait d’un rôle pas exactement écrit pour ce type de voix légère. Dans le duo de L’Entführung aus dem Serail de Mozart chanté un peu plus tard, il montrera de belles affinités avec le style tandis que son comparse Alexandre Baldo sera plus attaché au son. La violoniste Sarah Jegou-Sageman a bien choisi ses morceaux avec le pourtant rebattu Souvenir d’un lieu cher de Tchaikovsky et la charmante Sérénade espagnole de Cécile Chaminade où elle développe un sens de l’à-propos dans une interprétation délicate. L’Espagne a également inspiré Marion Vergez-Pascal, la mezzo ayant défendu la zarzuela avec un air de Las hijas del Zabedeo de Ruperto Chapí. Même si l’alchimie opère, il manque toutefois à la mezzo le phrasé véloce et l’assise vocale suffisante pour complètement emporter l’adhésion.
Camille, Léo, Francis, Anaïde et les autres…
Le choix du répertoire est essentiel surtout lorsque l’on se présente devant un public qui découvre la plupart des musiciens. Alexandre Baldo n’est toutefois pas un inconnu mais l’air qu’il a choisi est un véritable tube. Dans « Non piu andrai » extrait des nozze di Figaro de Mozart, l’on attend du théâtre et un sens des mots qu’il possède mais également un peu plus de couleurs et une parfaite conduite vocale jusqu’à l’aigu, encore timide ici. Le deuxième mouvement du Trio de Khatchadurian permet d’entendre l’avant dernière artiste, la clarinettiste Anaïde Apelian mais c’est avec Poulenc qu’elle livrera l’un des grands temps forts de la soirée. La belle maîtrise instrumentale s’oublie au profit d’une douce émotion distillée qui se transforme bientôt en envoûtement dans le deuxième mouvement de la Sonate contrastant avec la virtuosité du troisième. Marion Vergez-Pascal revient plus à son aise dans un charmant duo avec la soprano Camille Chopin (extrait de Don César de Bazan de Massenet) plutôt anecdotique avant de faire connaissance avec Léo Ispir. Le violoncelliste raconte être tombé amoureux de la viole de gambe qu’il pratique également. Il n’est pas étonnant de le voir s’enivrer de beaux sons dans les Pièces pour violoncelle et piano 1 et 3 de Nadia Boulanger où il ne fait qu’un avec son instrument. Avec une humilité qui se double d’une belle maître technique, Léo Ispir livre le deuxième temps fort de la soirée bientôt rejoint par Camille Chopin. Tout juste couronnée du Grand Prix Révélation au concours Raymond Duffaut de l’Opéra Grand Avignon, la soprano aborde fièrement le pourtant archi-rebattu air du Cours-la-Reine de la Manon de Massenet avec une belle aisance et un sens du texte. L’aigu assuré et tenu n’est pas démonstratif avec une diction très appréciable servant l’intelligence de l’incarnation. Une superbe prestation qui confirme l’impression générale d’un excellent cru 2023.