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Académie, Jeunes Etoiles et une révélation parmi les pousses vertes de Gstaad

Académie, Jeunes Etoiles et une révélation parmi les pousses vertes de Gstaad

A Gstaad, le festivalier a fort à faire. Pour occuper son samedi, il a le choix entre le récital de piano d’un jeune lauréat, un concert de l’académie vocale ou d’un opéra. Rien ne l’empêche de tout voir, à commencer par les jeunes. Compte-rendu…

Une partie non négligeable du Gstaad Menuhin Festival & Academy concerne les jeunes artistes. Que ce soit dans le cadre des matinées consacrées au cycle « Jeunes Etoiles » ou lors des concerts de l’Académie, les grands noms de demain font souvent une halte à Gstaad, étape recommandée dans toute prometteuse carrière. Le samedi 27 août 2022, il était possible de découvrir le nouveau lauréat du Concours Van Cliburn en récital et les jeunes voix venues se perfectionner auprès de Madame Bartoli mère, lors du concert de clôture de l’académie de chant. Le matin, le pianiste Yekwon Sunwoo s’est produit dans l’intime Kapelle tandis qu’en préambule de la grande soirée lyrique sous la Festival-Zelt, les neufs chanteurs ont pu faire la démonstration de leur force pour largement occuper l’acoustique de la Kirchgemeindehaus de Gstaad.

L’or de Van Cliburn exposé dans l’écrin de Gstaad

Yekwon Sunwoo (c) Carolyn Cruz

Yekwon Sunwoo a remporté le premier prix du Van Cliburn International Piano Competition 2017. Elève de Richard Goode à la Mannes School de New York, il y a développé entre autres choses, le goût pour les classiques viennois. La saison 2022 du Gstaad Menuhin Festival & Academy étant placée sous le signe de la capitale autrichienne, un programme 100 % Schubert semblait naturel avec l’élégante Sonate No. 18 D 894 et quelques pièces choisies. Le jeune artiste a ouvert son programme par la mélancolie avec une transcription de Liszt pour piano seul du Lied «Der Müller und der Bach» (extrait de la Schöne Müllerin), avant la fougue du toujours très impressionnant « Der Erlkönig ». Plus piano que voix, plus Liszt que Schubert, Yekwon Sunwoo préfère exalter les notes plutôt que recourir à la sensibilité du texte suggéré. Entamé sèchement (surtout dans l’acoustique raffinée de la petite Kapelle de Gstaad), « Erlkönig » donne le frisson grâce à une exécution au cordeau. Il manque en revanche un vécu pour que « Litanei auf das Fest Allerseelen » tombe dans l’abandon et l’émotion pure. La sonate, plus convaincante, laisse dérouler son long ruban comme un ruisseau que l’on ne cesserait d’observer, hypnotisé. Dans l’approche, la personnalité du pianiste se laisse deviner plutôt qu’elle ne s’impose. Le jeu irréprochable pourrait gagner en intériorité plus ressentie comme dans le bis, nouvelle transcription d’un Lied (le superbe Morgen de Richard Strauss par Max Reger, pas assez délicat ici). Jamais démonstratif, le piano de Yekwon Sunwoo est élégant mais manque encore de profondeur pour emporter l’enthousiasme. Nul doute que les expériences de la scène à venir lui ouvriront de nouvelles perspectives. Le rendez-vous est à prendre.

La pénurie touche aussi l’Académie de Gstaad

Anna Tetruashvili, Hayoung Ryu, Danbi Lee, Sim So Young, Daehwan Kim, Silvana Bazzoni Bartoli, Ripley Lucas-Tagliani, Rachel Ridout, Hugo Santos, Claudia Ceraulo, Costanza Giannino (c) HRC

Un peu perdue dans un océan de décibels, une seule mélodie était au programme du concert de clôture de l’académie de chant 2022. Agés de 20 à 30 ans, les neufs élèves chanteurs, accompagnés par le piano solide de So Young Kim, se sont succédés (parfois en duo) sur la scène de la Kirchgemeindehaus pour interpréter les grands arias des opéras de Mozart, Rossini, Donizetti, Bellini, Massenet ou Lehár. Le choix du répertoire est comme la base d’un édifice, une étape fondamentale surtout pour des artistes lyriques débutants. Aborder si jeunes des partitions techniques et très virtuoses ne les a sans doute pas aidé à se hisser au niveau d’excellence attendu. Armée d’une timide voix presque blanche, la soprano coréenne Hayoung Ryu ne peut gravir l’Everest belcantiste (« Qui la voce sua soave » des Puritani) tout comme Rachel Ridout. Avec d’autres moyens, la soprano anglaise étale malgré tout plus de faiblesses que d’atouts dans l’air redoutable de Linda de Chamounix. On note une tendance désagréable à passer tous les aigus en force qui finit par gêner. La diction impossible de la soprano italienne Claudia Ceraulo l’empêche d’incarner la Manon de Massenet. Malgré un aigu dardé impressionnant, les effets sont beaucoup trop marqués pour convaincre. A l’inverse, Ripley Lucas-Tagliani (soprano américaine) mise plus sur l’originalité de son timbre sombre pour séduire que sur le haut registre qui passe encore avec difficulté. Doté d’une émission flottante, Hugo Santos (basse, français) se bat avec le placement de sa voix dans la seule mélodie du programme (« Le pas d'armes du Roi Jean » de Saint-Saëns) tandis que le ténor coréen Daehwan Kim déborde de contre-uts démonstratifs, une surenchère inutile et sans style (« Ah ! mes amis ») ! Malgré une vocalise un peu hésitante, la mezzo israélienne Anna Tetruashvili tire son épingle du jeu dans « Una voce poco fa » bien exécuté. A à peine 20 ans, Costanza Giannino a déjà l’intelligence de choisir un air (« Deh, per questo istante solo », La clemenza di Tito) qui correspond à ses jeunes moyens. Le grave posé et la belle diction n’attendent qu’un peu plus de couleurs pour exploser. Voici une artiste sur laquelle on peut miser tout comme Danbi Lee, incroyable contralto coréenne et véritable révélation de ce concert. Les artistes dotées d’une voix naturelle pour chanter le rôle de Dalila (Samson et Dalila de Saint-Saëns) sont rares. Même si la diction peut être améliorée, le timbre sombre et corsé de Danbi Lee avec de vrais graves sied parfaitement au renversant « Amour, viens aider ma faiblesse ! », chanté avec d’infinies beautés dans un style qui suscite l’admiration. Un tournesol au milieu d’un bouquet de fleurs à peine écloses ne saurait faire oublier les couleurs criardes qui l’entourent. Avec le sentiment que des erreurs auraient dû être corrigées, l’académie 2022 ne laissera pas un bon souvenir. Sans remettre en cause le travail de madame Silvana Bazzoni Bartoli, il est juste d’écrire que le résultat cette année n’était pas à la hauteur de sa réputation.

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