Piquant Barbier franco-italiano-sévillan au Capitole de Toulouse
Après avoir enchaîné les succès, le Théâtre de Capitole de Toulouse clôt sa saison avec le célèbre Barbier de Séville de Rossini, chef-d’œuvre absolu. Mais entouré de piquants, le factotum della città rasera-t-il deux fois plus qu’à l’accoutumée ? Explications…
Dans la saison d’une maison d’opéra d’importance majeure comme le Théâtre du Capitole de Toulouse, programmer un nouveau Barbier de Séville peut sembler une évidence, le chef-d’œuvre de Rossini étant l’un des titres les plus joués dans le monde aux côtés des Carmen, Traviata ou Zauberflöte. Pourtant, depuis la Rossini Renaissance des années 60 et la redécouverte d’un style, les exigences des mélomanes ne sont plus tout à fait les mêmes. Désormais habitués aux voix belcantistes ils attendent l’excellence, tout simplement ! Christophe Ghristi, directeur artistique de l’Opéra national du Capitole de Toulouse, propose toujours des distributions de haute volée avec un savoir-faire qui lui vaut réputation. L’affiche inédite de la nouvelle production qui regroupait des jeunes talents français et quelques grands noms italiens a suscité un vif intérêt avec des prises de rôle attendues avant de piquer la curiosité. Ce vendredi 20 mai 2022, le rideau s’est ouvert sur un immense cactus, surprenant décor qui nous a rappelé que l’action d’Il barbiere di Siviglia se déroule à Séville, en Espagne. Les personnages s’y sont croisés avec des « ¡Hola! » ou des « ciao » ajoutant une belle confusion souvent hilarante…
Le monde entier est un cactus de Séville
Conçu par Johannes Leiacker, le décor représente la façade cactée de l’appartement de Don Basilio doté du nécessaire balcon avant de pivoter sur un intérieur très coloré. Un triple escalier qui accède à la chambre fleurie de Rosina permet tous les claquements de portes et les poursuites rocambolesques réclamées par le genre « buffo ». Le metteur en scène Josef Ernst Köpplinger fourmille d’idées pour animer cette « folle journée » avant l’heure. En flanquant Don Basilio d’un majordome homme à tout faire, il multiplie les possibilités burlesques et les gags qui font souvent mouche. Même si la profusion d’effets comiques vire au grand n’importe quoi à la fin du I, leur incongruité déclenche bien plus souvent les rires que l’ennui. A la direction musicale, Attilio Cremonesi est un partenaire de premier plan qui anime l’Orchestre du Capitole de Toulouse, parfait même en petit effectif comme le veut la partition. Alerte et léger, le chef bien conscient des enjeux stylistiques se montre toujours attentif à son plateau vocal qu’il porte. Le naturel et l’aisance d’Eva Zaïcik et de Kévin Amiel a fait oublier qu’ils abordaient leur rôle pour la première fois de leur carrière. Privé de son air « Cessa di più resistere », le ténor très généreux en aigus fait une démonstration vocale convaincante à défaut d’être toujours très soignée.
Le Figaro à la une et les grands stylistes
Rosina est un personnage incontournable dans la carrière d’une mezzo-soprano. Alors que de nombreuses grandes artistes s’y sont illustrées avant elle, Eva Zaïcik apporte au rôle la fraîcheur (et l’absolu beauté) de son timbre et une compréhension innée du style rossinien. L’artiste pique déjà son chant de quelques ornements bien sentis. Seule la vocalise gagnerait à être un peu plus marquée surtout dans les parties avec Figaro où la comédienne passe au second plan. Il faut dire qu’elle a face à elle un baryton exceptionnel et sans nul doute le plus grand interprète actuel du rôle. Au sommet de son art, Florian Sempey arrive à stupéfier les mélomanes pourtant déjà amplement convaincus par ses précédentes incarnations. Le comédien bondissant fait un sort à chaque mot avec un naturel confondant. Vocalement souverain, il livre une prestation d’anthologie. Dans le rôle de Bartolo qu’il maitrise, Paolo Bordogna trouve lui aussi le ton juste d’un basse bouffe où le jeu outrancier et un débit vocal ultra véloce font merveille. Alors qu’on l’a souvent applaudi dans les grands Verdi, Roberto Scandiuzzi (Don Basilio) sait facilement gagner les faveurs du public avec un air de la calomnie où l’ambitus impressionne. Nous ne serions pas complet sans citer Edwin Fardini (Fiorello) en petit mac bien chantant qui fait regretter la brièveté de son rôle et Andreea Soare, Berta affirmée dans un air remarqué. C’est aussi dans les seconds rôles que l’on reconnait la patte d’un directeur artistique. En alternance, une autre distribution est à l’affiche de cette nouvelle production survitaminée (jusqu’au 29 mai) qui pétille comme du Rossini dopé au xérès.