Un événement mondial se déroule en toute intimité
La démarche de l’ensemble vocal le Mirror Visions Ensemble est originale. Il choisit des mélodies du répertoire classique, puis passe commande à des compositeurs contemporains d’œuvres sur le même texte, pour en proposer une vision, en miroir… A ce jour, et après quelques vingt années d’existence, l’ensemble affiche à son palmarès plus de 80 créations de vingt-quatre compositeurs différents.
Ce jeudi 7 mai 2015, dans un lieu inattendu, le cadre intime de l’église suédoise de Paris, le programme intitulé Sounds of Swedish Poetry était axé sur des compositeurs suédois et américains avec des chansons de Ture Rängstrom, Wilhelm Stenhammer et Cole Porter, Charles Ives, Aaron Copland ou bien encore Kurt Weill. En regard, six créations signées Ylva Skog, Andrea Tarrodi, Hans Gefors, Jonas Forssell, Anders Nilsson et Kjell Perder ont été jouées en première mondiale.
Les membres de la formation de chambre, la soprano Vira Slywotzky, le ténor Scott Murphree et le pianiste Gary Chapman ont été rejoints pour l’occasion par le baryton Mischa Bouvier (qui remplaçait Jesse Blumberg, membre habituel du trio vocal) et par de talentueux solistes suédois, Lena Gutke à la flûte, Mimi Brundin Sunnerstam au violoncelle et Bernt Wilhelmsson au piano. Sous la direction artistique de Tobé Malawista, les musiciens ont pu déployer une large palette d’émotions, grâce à un montage très intelligent des différentes pièces vocales. L’ambiance de chaque chanson était soit respectée, soit approfondie par la partie contemporaine qui, loin de rivaliser, offrait en effet une belle vision en miroir.
La création d’Ylva Skog en ouverture de programme, avec ses faux airs de Britten, a donné le ton d’un concert sans musique expérimentale ou avant-garde criarde. Même si, avec une attaque assez dure, la pièce de Jonas Forssell possède des sonorités dissonantes, l’utilisation des voix en chœur ou en canon est une belle réussite. D’ailleurs, le timbre des trois chanteurs se marie parfaitement même si, au cours de la soirée, la trop grande voix de la soprano a parfois déséquilibré l’ensemble. L’artiste, semble-t-il, n’a pas réussi à s’approprier la salle, beaucoup trop petite pour cette générosité dans les décibels.
Parmi les belles découvertes, on retiendra la chanson de la jeune compositrice Andrea Tarrodi, née en 1981. Tout d’abord sur la douce musique de Rangström, la mélodie Sorg och glädje est impeccablement interprétée par le baryton Mischa Bouvier avec Bernt Wilhelmsson au piano. Avec Tarrodi, l’atmosphère se fait plus pesante grâce au seul violoncelle et à la voix de ténor. L’écriture vocale sollicite le chanteur sur une large étendue le poussant presque à ses limites, pour un effet assez remarquable. Scott Murphree s’y montre convaincant. On passera rapidement sur l’œuvre du benjamin, Daniel Stagno, sans réelle originalité là où, sur le même texte, un compositeur plus affirmé comme Hans Gefors sait, en quelques mesures, non seulement préserver le caractère champêtre du poème mais offrir un condensé de son style.
Fjärilposten d’Anders Nilsson est également une réussite avec un style narratif agréable et une très bonne utilisation des duos piano, flûte et ténor, soprano où les parties de la chanteuse arrivent avec naturel. En conclusion, l’œuvre de Kjell Perder offre la récréation d’un petit jeu de scène amusant sur une musique toutefois en retrait.
Les six créations en première mondiale auront offert, en condensé, un excellent panorama sur la vivacité de la scène musicale suédoise, défendues avec conviction et panache par le Mirror Visions Ensemble. La présence dans la salle des compositeurs contemporains Hans Gefors, Anders Nilsson, Kjell Perder et Andrea Tarrodi aura fini de transformer ce concert intime en véritable événement.