Passage d'une nuit à l'autre à la Basilique Saint-Denis
La saison 2015 du Festival de Saint-Denis, qui se tient encore jusqu’au 2 juillet, est particulièrement riche en événements. Parmi les concerts, qui méritent tous une attention particulière, la venue du chef argentin Leonardo García Alarcón, ce 8 juin dans la Basilique Cathédrale, était cependant attendue comme un des temps forts de la manifestation. Le concert théâtral intitulé "La dernière nuit", en évocation à la cérémonie funéraire au temps de Louis XVI, aura tenu une partie de ses promesses.
2015 marque le trois-centième anniversaire de la mort de Louis XIV et également des cérémonies qui se sont déroulées dans le cadre majestueux de la Basilique de Saint-Denis. Le Festival, s’appuyant sur le travail exemplaire du Centre de Musique Baroque de Versailles, a eu l’excellente idée de « rejouer » la cérémonie avec deux motets de Lully (composés pour la mort de la Reine Marie-Thérèse, en 1683) et la Missa pro defunctis de Charles d’Helfer, publiée en 1656. Reprenant également le dispositif scénique, les spectateurs de la nef étaient placés, non pas dans le sens de l’autel mais face à face. L’ensemble vocal Vox Cantoris se partageait le jubé (un groupe du côté de la chaire et le deuxième dans le chœur). L’Orchestre Millenium, la Cappella Mediterranea et le Chœur de Chambre de Namur dirigés par Leonardo García Alarcón quant à eux, se tenaient dans le narthex. Jamais le son n’aura aussi bien circulé sous les voutes majestueuses de la Basilique Cathédrale. Le concert a débuté hors champ avec un premier extrait de l’œuvre de d’Helfer interprété par Vox Cantoris, nous plongeant immédiatement dans une ambiance solennelle et saisissante. Remontant ensuite la nef en procession avant de se placer, le chœur a parfaitement incarné la musique du compositeur français, un plain-chant romain, en vigueur à la cour de France. Un tambour assurera le relais avec les autres formations qui entameront la Marche pour la Pompe funèbre d’Alceste de Lully puis, ses deux motets.
L’alternance entre les œuvres a offert un contraste musical bienvenu entre parties avec orchestre et chants a capella mais les organisateurs ont eu la fausse bonne idée de faire intervenir deux comédiens. Vêtus d’un ciré jaune pour elle et d’une culotte courte pour lui et évoluant sur une bicyclette, les acteurs, dotés d’une très bonne diction, ont commencé à déclamer quelques oraisons funèbres avec une ironie trop appuyée. Lors de deux autres intermèdes, on les verra à table, manger de la salade puis allongés sur un lit comme des gisants. L’originalité affichée aura plutôt nuit à la cohérence du propos où la musique se suffisait à elle-même pour émouvoir. Car les moments les plus beaux, nous les devons à la direction éclairée du chef argentin et à son plateau vocal, accompagné du Chœur de Chambre de Namur, toujours excellent.
On retrouve avec plaisir le timbre chaud et épanoui de Chantal Santon Jeffery et le haute-contre à la française de Matthieu Vidal qui surmonte les difficultés techniques avec suffisamment d’aisance. Parfois emporté par son expression, Joao Fernandez a l’autorité nécessaire dans la voix. Moins mis en avant par la partition, Caroline Weynants et Thibaut Lenaerts savent exister avec talent aux côtés de leurs partenaires. Avec Lully comme Mozart ou Monteverdi, Leonardo García Alarcón joue avec une vaste palette de couleurs et beaucoup de nuances qui emportent l’adhésion.
Un nouveau succès pour ce grand chef et la promesse d’autres soirées, d’autres nuits musicales au firmament de son art.