Les dessous d’une exceptionnelle Traviata parisienne
Depuis quelques jours, Violetta Valéry l’héroïne de La Traviata est de retour chez elle, à Paris ! Le personnage de Verdi redevient Marguerite Gautier l’espace de quelques soirées d’exception dans un palais qui aurait pu être le sien (ou pour être plus précis celui de son protecteur, le Baron Douphol). En plein coeur du quartier de la Nouvelle Athènes, l’hôtel Dosne-Thiers sert de décor naturel à des représentations d’un autre type du chef-d’œuvre de la musique classique. Les spectateurs sont plongés dans l’action même, comme des convives privilégiés de la soirée de Traviata qui les invite à boire une coupe de champagne en sa compagnie. Ils assisteront plus tard à son agonie, les larmes aux yeux.
Marguerite et Violetta A/R Paris Venise
Le concept est né en Italie à Venise où la metteuse en scène Patrizia di Paolo et son complice musicien Giovanni Dal Missier ont eu l’idée d’inviter les spectateurs à une immersion totale dans l’opéra de Verdi. Ils disposent à l’année du Palazzo Barbarigo Minotto situé sur le Grand Canal pour proposer chaque soir aux touristes amateurs d’art lyrique une représentation au plus près des artistes. De passage dans la cité des Doges, les fondateurs de Music & Opera trouvant La Fenice porte close ont décidé de tenter l’expérience. Ils ont été gagnés par une émotion intense qui les a non seulement bouleversés mais conquis. Marie-Laure de Bello-Portu et Armand Cohen imaginent alors que cette aventure pourrait être vécue par le public parisien, réputé comme l’un des plus exigeants au monde. Porté par l’enthousiasme, le projet se met en place avec les études de faisabilité indispensables. Il aurait pu se monter normalement si une fâcheuse pandémie n’était venue jeter la planète entière dans un incroyable chaos. Sans possibilité de contacts humains, le travail a pris un tour des plus inattendus. Alors que chacun était confiné chez soi, comment alors faire les auditions, les répétitions musicales, la mise en scène et le travail administratif en parallèle ? Comment tout simplement déplacer des montagnes sans même savoir quand pourrait avoir lieu la première représentation (et même si elle pourrait avoir lieu) ?
Libiamo... fluctuat nec mergitur
Il est dit que le monde appartient aux plus audacieux. Aidés sans doute par une bonne étoile (et très certainement par le dévouement d’une équipe de professionnels parés à tout) Opera a Palazzo est créé dans une étrange incertitude mais avance coûte que coûte. Le premier enjeu a été de trouver le lieu idéal pour que notre Traviata puisse s’épanouir dans son Palais parisien. La Fondation Dosne-Thiers a accueilli le projet avec la fougue et la passion de ceux qui veulent faire vivre l’Art et la Culture. Situé place Saint-Georges, l’hôtel est un écrin de rêve qui n’attendait plus que ses joyaux, les artistes. Jugés comme « non essentiels », ils ont été malmenés pendant cette crise. Pour qu’un moment de musique classique laisse s’envoler des notes éphémères, il faut des heures de travail et de répétition pour arriver à atteindre cet absolu. Pour avoir participé au choix et ensuite avoir pu accompagner les magnifiques musiciens et les brillants chanteurs, qu’il me soit permis ici de leur rendre un vibrant hommage car les conditions inhabituelles ne les ont jamais freinés dans leur enthousiasme. Leur professionnalisme et leur engagement est la clé de voûte de cette Traviata hors norme. Je n’oublie pas les équipes techniques et administratives qui en quelques mois ont réalisé ce qui habituellement prend des années.
Le projet est maintenant lancé et à la fin d’une représentation, lorsque l’on partage quelques mots avec les spectateurs extasiés, on comprend que tout cela valait vraiment la peine. Il est rare de vivre intensément l’opéra tel que nous pouvons le faire avec La Traviata à l’Hôtel Dosne-Thiers. Tentez l’aventure, vous ne le regrettez pas…