Bal de plomb au Teatro dell’Opera de Rome
L’occasion du grand retour d’un chef-d’œuvre de Verdi dans la ville de sa création était parfaite pour apprécier la somptueuse musique du compositeur italien superstar dans le non moins majestueux Teatro dell’Opera. Un ballo in maschera a été joué pour la première fois à Rome au Teatro Apollo, le 17 février 1859. L’œuvre qui avait subi les foudres de la censure à Naples y a été accueillie après quelques retouches (le héros est un comte de Boston, non plus un Roi). En coproduction avec l’opéra de Malmö, la nouvelle mise en scène signée Leo Muscato était attendue mais hélas, le rendez-vous est en grande partie manqué.
La représentation du 30 octobre 2016 a pourtant bien commencé avec un lever de rideau sur une scène bucolique où l’on a reconnu les deux héros posant pour Amelia muée en Élisabeth Vigée Le Brun. Avec ce préambule, le spectateur pouvait s’attendre par la suite à trouver quelques éléments de psychologie mais c’était une fausse piste. En costumes Directoire, les chanteurs livrés à eux-mêmes ne sont pas sorti de la caricature habituelle de l’opéra avec main sur le cœur et poses dramatiques. L’utilisation systématique d’un éclairage latéral à chaque aria ne les a pas aidé non plus.
Les Teletubbies invités de marque du bal masqué
Pour les futurs grands amateurs qui ont découvert l’art lyrique pour la première fois, la mise en scène aura eu le mérite de rester lisible même si des erreurs flagrantes sont souvent venues gâcher l’ensemble. La grande scène attendue du bal a déçu s’ouvrant sur un tableau plaqué où les choristes en noir et blanc entraînés par six danseurs en fluo style Teletubbies ont répété à l’envie une chorégraphie à la Michael Jackson frisant le ridicule. Et l’on ne comprendra jamais pourquoi Leo Muscato est allé chercher la version originale d’Un ballo car sauf dans l’utilisation des noms des personnages, il était impossible de savoir que nous étions au Royaume de Suède. Le metteur en scène a fait preuve d’une imagination paresseuse ou si il a voulu jouer du second degré en transposant à l’après-révolution, c’est raté.
Le triomphe du chef, de l’orchestre et des chœurs
Côté émotions, la distribution vocale n’a pas particulièrement brillé, à quelques rares exceptions. Dans le rôle si intense d’Amelia, la soprano américaine Julianna Di Giacomo a manqué cruellement de nuances pour nous faire vibrer. La voix pourtant bien conduite de Sara Murphy dans le rôle de la magicienne Arvidson/Ulrica n’a pas réussi à compenser un jeu d’actrice réduit à une seule expression figée. Lucrezia Drei (coiffée d’une improbable perruque punk) dans le rôle toujours payant d’Oscar a fait le job tout comme Angelo Villari, ténor vaillant à l’aigu facile dans le rôle de Gustavo III/Riccardo. Le seul a avoir procuré quelques frissons a été Juan Jesús Rodríguez. L’engagement du baryton (pourtant annoncé souffrant en début de représentation) dans le rôle du mari trahi a payé. A l’inverse du plateau, ce qui s’est passé dans la fosse a été remarquable de bout en bout. Jesus Lopez Cobos a déroulé un tapis sonore contrasté d’un grand raffinement avec un orchestre au niveau et un chœur tout simplement idéal.
Le Teatro dell’Opera mérite mieux que ce bal qui n’est qu’un coup pour rien. Le rendez-vous avec la ville éternelle est juste reporté tant les occasions y restent nombreuses.