Prise d’otage à l’Opéra Comique, Purcell est dans le coup !
Qui est donc cette Miranda et que se passe-t-il à l’Opéra Comique ? Un enterrement vire au happening et tout cela sur de la musique de Purcell. La metteure en scène Katie Mitchell serait à la manœuvre, appuyée par le talentueux chef Raphaël Pichon. Explications…
Dans le domaine baroque, l’Opéra Comique nous a habitués à de grandes réussites et tout particulièrement avec les œuvres de Purcell. Après une excellente Fairy Queen en 2010 mise en scène par Jonathan Kent et un inoubliable Dido and Aeneas par Deborah Warner en 2008 et 2012, la production de Miranda a été confiée de nouveau à une équipe anglaise. Suite à la première représentation ce 25 septembre 2017, l’on peut dire qu’à la mise en scène, Katie Mitchell franchit une étape vers un théâtre opératique. Grâce à la remarquable direction de Raphaël Pichon, le spectacle est une parfaite réussite, une de plus pour Comique !
Les plus érudits auront remarqué que le titre ne figure pas au catalogue des oeuvres de Purcell. Comme une sorte de pasticcio, Miranda est un tout nouvel opéra en grande partie construit à partir de musiques de scène du compositeur anglais, avec quelques ajouts empruntés principalement à Matthew Locke. La librettiste Cordelia Lynn dernier membre du trio de créateurs, a conçu un texte s’inspirant de The Tempest de Shakespeare. Vingt ans après les péripéties exposées dans la pièce, l’héroïne règle ses comptes dans une ambiance à la Festen. Prétendue suicidée, elle profite de son propre enterrement pour provoquer un happening où elle apparait masquée au beau milieu de la cérémonie. Comme un pendant à Prospero’s books, le film de Peter Greenaway centré sur la figure du père, Miranda défend le point de vue féminin. L’héroïne dénonce le viol dont elle a été victime et un mariage arrangé alors qu’elle n’était qu’une enfant.
Exilée, violée, mariée de force… Miranda a-t-elle été bien défendue ?
On le voit, le propos est assez violent et d’autant plus fort qu’il est servi par une mise en scène réaliste portée par des acteurs d’un naturel poignant. La tension retombe à peine pendant une heure et demi où l’on assiste à du grand théâtre, Katie Mitchell osant même une scène de ralenti. A la direction d’un chœur qui passe allègrement du motet au drame et d’un orchestre surchauffé, Raphaël Pichon, d’une incroyable profondeur, sert de manière admirable ce théâtre avec les forces et les beautés de Pygmalion, sa formation. Il est aidé par une distribution dans son ensemble satisfaisante.
La voix bien en place, Alain Buet est venu sauver la représentation chantant de la fosse tandis que Henry Waddington aphone mimait son rôle. Dans le rôle de Miranda et d'Anna sa marâtre, Kate Lindsay et Katherine Watson sont très convaincantes même si l’une manque parfois de volume et que l’autre accuse quelques stridences dans l’aigu, ce soir de première. Pour le pasteur, comme toujours la prestation de Marc Mauillon est très concluante même dans ce rôle secondaire. Après Albert Herring de Britten sur cette même scène, Allan Clayton incarne Ferdinand le mari amoureux et bouleverse de nouveau grâce à cette puissante voix de ténor. Enfin, dans le rôle du fils, Aksel Rykkvin confirme qu’il n’est pas un petit singe savant. Connu grâce à un récent CD, ce tout jeune chanteur possède un timbre d’une incroyable beauté pour une voix d’enfant.
Comme le dit Katie Mitchell dans le programme : « Nous racontons une histoire moderne selon les règles musicales et opératiques du XVIIe siècle ». Toujours dans le coup, Purcell n’aura jamais sonné aussi contemporain !