Nemanja Radulovic et l’Orchestre du Borusan au Théâtre des Champs-Elysées
Nemanja Radulovic et le Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra sont des complices réguliers mais qui n’étaient jamais venus à Paris. Pour leur premier concert au Théâtre des Champs-Elysées, ils ont mis le feu avec le chef Sascha Goetzel. Explications…
Les mélomanes qui ont la chance de connaître le Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra le savent, cette jeune formation symphonique est l’un des orchestres émergents à suivre de près. Alors que Londres, le Musikverein de Vienne ou le Concertgebouw d’Amsterdam l’ont déjà accueilli, Paris semblait à la traîne. Le Théâtre des Champs-Elysées a fait une nouvelle fois figure de pionnier en faisant venir la formation turque pour la première fois en France, à l’occasion d’un concert le 13 décembre 2018 avec une star du violon à l’affiche. Nemanja Radulovic a interprété le concerto pour violon d’Aram Khatchatourian dans le cadre de la prestigieuse saison de la série des Grands Solistes.
La complicité entre l’artiste, le BIPO et Sascha Goetzel (son directeur artistique et chef principal) est évidente. Ensemble, ils ont déjà enregistré un programme Tchaïkovski pour Deutsche Grammophon (en 2017). Le redoutable concerto de Khatchatourian couplé à Scheherazade de Rimsky-Korsakov a également fait l’objet d’un CD paru très récemment sous la fameuse étiquette jaune.
Nemanja Radulovic, violoniste virtuose mais pas que
Avec une œuvre aussi virtuose où plane l’ombre de son dédicataire David Oïstrakh, la démonstration de moyens est toujours à craindre car elle se fait souvent au dépend de l’émotion. Ce n’est jamais le cas avec Nemanja Radulovic. Dans un nuage de colophane, il a attaqué son impressionnante partie toutes notes dehors. Dès le premier thème exposé, l’artiste s’est fait interprète apportant la sensibilité attendue. Son jeu est bien évidemment virtuose, impeccable et aussi joliment nuancé. Le plaisir est palpable dans cette osmose avec les membres de l’orchestre et le chef. Dans l’andante, la précision de la formation est remarquable. Les musiciens sont capables de maintenir des piani et ainsi de jouer avec une infinité de variations. Le final a été ébouriffant, comme il se doit.
Dans un Théâtre des Champs-Elysées archicomble, le violoniste ému a remercié son public avec deux bis, un Paganini admirablement ébouriffant et un « petit Bach » (l’adagio de la sonate No. 1) comme l’a annoncé l’artiste. Le concert de Paris était le dernier d’une tournée européenne avec une partie symphonique élégamment composée. En ouverture, le Capriccio à la Turque de Ferit Tüzün créé en 1956 nous a rappelé que les frontières de la musique classique s’étendaient bien au-delà de la méditerranée. L’orchestre y déploie des sonorités bien séduisantes. Pour entamer la deuxième partie du concert, Islamey de Mili Balakirev est une œuvre familière qui confirme la belle tenue de l’orchestre et la parfaite rigueur des instrumentistes, tous très impliqués.
Stravinsky et le Théâtre des Champs-Elysées, une longue histoire
L’oiseau de Feu est l’œuvre d’avant-scandale où le rythme et la violence du Sacre du Printemps sont encore en germe. Sascha Goetzel nous emmène sur un terrain familier avec une interprétation plus contemplative que réellement théâtrale. Son interprétation convainc avec une évidence certaine. L’orchestre possède les couleurs qui lui permettent le plus grand naturel. Seule la danse infernale parfaitement exécutée mais de façon plus analytique et morcelée manque d’une touche d’exubérance pour emporter totalement l’enthousiasme. En bis, la pièce irrésistible de Ulvi Cemal Erkin inspirée de thèmes turcs bien connus fait jubiler spectateurs et musiciens. Tous espèrent maintenant se revoir bientôt.