En Autriche, une carrière s’offre à La Flûte enchantée
Le mélomane en voyage tombe souvent sur de bonnes surprises dans des lieux étonnants. A St. Marghareten en Autriche, sur les terres des princes Esterházy, une Flûte enchantée porte visiblement très bien son nom. Explications…
Tout est déjà dans le titre, Die Zauberflöte (la Flûte enchantée) de Mozart réclame de la magie. Lors de la soirée du 20 juillet 2019, à St. Margarethen en Autriche, la féérie était bien au rendez-vous. Chaque été depuis 1996, les spectateurs viennois et ceux du monde entier se retrouvent non loin d’Eisenstadt pour assister à une soirée pas comme les autres lors du festival Oper im Steinbruch car le lieu est spectaculaire.
Les carrières romaines St. Margarethen classées au Patrimoine mondial de l'UNESCO accueillent une scène de belle dimension propice au divertissement. Les mélomanes auront vite fait de s’acclimater à la sonorisation inévitable dans ces conditions de plein air avec des musiciens (l’Orchestre philharmonique de Budapest méritant) placés en dehors, sur le côté. Les attaques du jeune chef Karsten Januschke sont franches et malgré l’amplification survitaminée l’on remarque la finesse de son approche.
Un jeune Jonas Kaufmann
D’égale qualité, la distribution qui réunit de jeunes chanteurs lui répond sans décalage avec des bonheurs divers. Avec une voix délicate et une fermeté qui sied au rôle de Pamina, la charmante Kateryna Kasper se distingue comme le Sarastro aidé de Bogdan Talos. A l’aise dans son premier air, Maria Kublashvili (La Reine de la Nuit) possède un timbre marqué qui conviendrait sans doute mieux à la tessiture moins exposée de Pamina car les aigus piqués de « Der Hölle Rache » ne supportent aucune erreur de justesse.
Martin Piskorski campe un Prince Tamino parfaitement crédible. Malgré quelques accidents, ce jeune ténor doté d’une voix sombre à la Kaufmann est une jolie découverte. Keith Bernard Stonum (Monostatos), Theresa Dax (Papagena), les enfants issus des St. Florianer Sängerknaben, les trois dames (Réka Kristóf, Nina Tarandek, Henriette Gödde) et tous les membres du Philharmonia Chor Wien forment un ensemble bien chantant et très bon acteur qui se fond idéalement dans le grand spectacle.
Papageno le super héros
Sur scène, le héros de la soirée est Papageno confié au comédien Max Simonischek. Le choix d’un acteur est un hommage au créateur du rôle de Papageno, le baryton Schikaneder également directeur de théâtre, librettiste de La Flûte et ami de Mozart. Même si le talent de Max Simonischek est incontestable, sa technique vocale en revanche est plus digne de la salle de bain que de l’opéra. Mais contre toute attente, cela fonctionne sur le public ! Largement aidé par son micro, il se mêle avec naturel aux ensembles en amenant une touche de candeur bienvenue. Ses interventions sont hilarantes et traduisent sans doute avec évidence l’esprit terre-à-terre de Papageno, plus friand de petites femmes et de bon vin que d’éclairage philosophique. Il en va de même pour la mise en scène confiée à Carolin Pienkos et à Cornelius Obonya qui s’appuient plus sur le merveilleux et le spectaculaire que sur la fable à la forte symbolique maçonnique.
Au centre de la scène, un décor circulaire composé d’une concrétion de globes blancs prend vie grâce à des projections vidéo rendant l’ensemble réellement impressionnant. Les épreuves du feu et de l’eau sont tout particulièrement frappantes tout comme les apparitions de la Königin der Nacht perchée sur une sphère démesurée. Les costumes gentiment futuristes de Gianluca Falaschi sont remarquables et finissent d’habiller l’esthétique éclatante de cette Zauberflöte assez inoubliable.
Emerveillé, le mélomane qui retrouve son âme d’enfant ne peut bouder son plaisir avec comme touche finale, un feu d’artifice venu illuminer le ciel étoilé autrichien.