Lisette Oropesa et Vittorio Grigòlo dans un enivrant Elixir d’amour à l’Opéra Bastille
Le mélomane parisien est gâté. Après des Huguenots bien réussis, son Opéra national lui propose maintenant L’Elisir d’amore, chef-d’œuvre du belcanto avec à l’affiche, la même magnifique soprano Lisette Oropesa. Nouvelle révélation ?
L’Elisir d’amore de Donizetti est un pilier du répertoire belcantiste que les plus grandes maisons d’opéra affichent toujours avec succès lorsque production et distribution sont à l’unisson. Coup de maître à l’Opéra national de Paris en 2006, une nouvelle mise en scène est confiée au truculent Laurent Pelly. Ce jeudi 25 octobre 2018, le plateau de l’Opéra Bastille a accueilli la quarante-troisième représentation de la production que l’on retrouve avec bonheur.
Pour cette cinquième reprise, Pelly est venu en personne régler les détails et travailler avec une nouvelle équipe de chanteurs. Le décor composé d’immenses bottes de foin où batifolent les héros impressionne toujours. L’atmosphère années 50 en Italie qui sied bien à L’Elisir d’amore est intelligemment rendue avec soucis du détail notamment sur le rideau de scène. Avec le chant des cigales en fond sonore, les publicités à la gloire du Dottore Dulcamara s’y étalent en grand dans le style de l’époque. Quelques gags désopilants finissent de gagner les spectateurs conquis par la simple apparition d’un chien. La production fait mouche surtout servie par cette distribution où domine la fraîcheur.
Le ténor Vittorio Grigòlo est un idiot plus vrai que nature
Laurent Pelly a à sa disposition une équipe de comédiens hors pair qui se prête au jeu avec un naturel confondant. Le couple que forme Lisette Oropesa et Vittorio Grigòlo explose sur scène. Le ténor qui est pourtant un habitué du rôle de Nemorino incarne le benêt avec évidence, gourmandise et sans trop d’artifices. Même si son interprétation du célèbre air Una furtiva lagrina penche plutôt du côté vériste, l’artiste l’emporte aisément avec ce timbre charmeur. L’abattage du comédien fait le reste avec un déhanché impayable de rockstar dans la scène finale dansée, écrasant sans doute ses partenaires au passage.
Dans le rôle d’Adina, Lisette Oropesa possède tous les atouts de la jeunesse. Après Lucia, cette prise de rôle dans un nouvel opéra de Donizetti était très attendue. Paris a accueilli sa performance avec enthousiasme. Seuls les plus aguerris auront remarqué une petite fatigue vocale. Il faut souligner que la soprano sortait tout juste des représentations des Huguenots où elle a accompli des miracles. Enchaînant deux représentations d’affilée, elle a tout de même confirmé les espérances avec des aigus aériens et une remarquable présence scénique. Il ne fait aucun doute que les prochaines représentations seront encore meilleures. La voix reposée ne peut que s’épanouir dans un rôle taillé pour l’artiste.
Quelles sont jolies les filles de Laurent Pelly !
Même s’il ne possède pas tout à fait l’italianité requise pour les vocalises de Belcore, Etienne Dupuis est un formidable chanteur qui lui aussi, emporte l’adhésion sans problème. Son incarnation du fat est hilarante et le timbre du baryton québécois, un miel pour les oreilles. Dans le rôle de Dulcamara, Gabriele Viviani pourrait oser encore plus de panache dans l’air « Udite, udite, o rustici » car le baryton italien se révèle un partenaire idéal dans les ensembles où il sait parfaitement habiter son personnage. Dans le rôle secondaire de Giannetta, Adriana Gonzalez s’impose aisément.
Autre protagoniste important dans L’Elisir d’amore, le chœur est remarquable et tout particulièrement le chœur féminin dont aucune stridence ne vient gâcher le plaisir de l’écoute. Grâce aux costumes et au travail remarquable de Laurent Pelly, les personnalités qui émergent participent naturellement à l’action. Giacomo Sagripanti à la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris s’est montré très attentif. Laissant la vedette aux chanteurs, il a réussi à mettre fréquemment en avant les beautés de l’orchestre en soulignant les détails de la partition.
Tout a été mis en œuvre pour la réussite de cette reprise à conseiller vivement aux néophytes comme aux mélomanes. L’Elisir d’amore de Donizetti coule de source à l’Opéra Bastille et réserve de bien belles ivresses.