Le secret beauté et l'atout sensualité avec Le Rossignol et la Rose
Paru il y a déjà deux mois, le nouveau Cd de la soprano Chen Reiss (qui vient de triompher avec l’Orchestre de Paris, Salle Pleyel, dans la Messe en Fa de Bruckner) n’a pas eu encore les honneurs de la presse française alors que le dernier opus intitulé « Liaisons » avait reçu en son temps, un Diapason Découverte amplement mérité. Silence d’autant plus étonnant que Le Rossignol et la Rose, recueil de songs, lieder et mélodies présente au disque une nouvelle facette de l’art de la soprano tout aussi séduisant.
Au concert, la composition d’un récital chant piano demande un dosage précis dans le choix des morceaux et une savante alchimie. Au disque, il est d’autant plus difficile de capter l’auditeur pour le plonger dans des atmosphères suffisamment variées pour ne jamais lasser et chose rédhibitoire, ennuyer. Le thème du rossignol et de la rose ayant inspiré bon nombre de poètes et de compositeurs, il offre un large corpus de mélodies où Chen Reiss est allé butiner quelques 25 morceaux de Purcell à Sherwin, en anglais, français, allemand, italien, espagnol, russe et hébreux (très belle découverte d’une mélodie de Mordechai Zeira), balayant quatre siècles de musique. Le récital se décline intelligemment en cinq parties (Eros, Elysium, Solitude, Humour, Myth) laissant à la soprano l’opportunité d’exprimer une large palette d’émotions.
Passons vite sur le Purcell d’ouverture, délicat et très bien chanté qui manque d’un accompagnement baroque pour des oreilles désormais plus habituées au luth plutôt qu’au piano, pour plonger dans la sensualité qui domine tout le récital. Cette voix saine parfaitement placée séduit immédiatement dans la mélodie de Grieg comme dans Die Nachtigall de Berg ou de Krenek où les aigus s’envolent avec facilité.
Le récital offre une belle place aux mélodies françaises (Hahn, Viardot, Fauré, Saint-Saëns) où l’on aimerait entendre une diction plus franche pour rendre le naturel si délicat (et si difficile à obtenir, même pour les chanteurs francophones). Le choix des différentes langues n’est jamais un barrage au plaisir (très beau La rosa y el sauce de Guastavino) même si les lieder en allemand sont plus immédiats (c’est aussi la langue des plus beaux textes : Heine, Lenau, Goethe…). Das Rosenbad de Richard Strauss par exemple, est merveilleux grâce aussi à l’accompagnement remarquable de Charles Spencer qui possède la grâce et la modestie des plus grands accompagnateurs. Son piano sait jouer des contrastes comme des caresses, pour offrir le meilleur pendant possible à la voix.
Le Rossignol et la Rose procure un double plaisir, le premier, à l’écoute de la voix qui charme simplement avec une beauté évidente, le deuxième, en se penchant sur les textes où l’intelligence de la lecture et l’interprétation méritent toutes les félicitations. Que l’on écoute pour s’en convaincre, le Heindenröslein de Schubert, si souvent enregistré et pourtant complètement réinventé ou même la vocalise de Saint-Saëns, sans parole et pourtant si expressive !
Le Rossignol et la Rose est construit comme un parfait récital où même un bis est proposé offrant une sympathique incursion dans les rythmes des musicals américains. Comme tout concert réussi, il ne manque plus que des applaudissements… Bravo Mademoiselle Reiss, encore !