Au Liceu de Barcelone, Jirí Kylián dansé par le Ballet de l’Opéra de Lyon
Le mélomane voyageur ne manquerait pour rien au monde une soirée au célèbre Liceu de Barcelone. Le théâtre sur La Rambla est un temple de l’opéra mais également de la danse. Le Ballet de l’Opéra de Lyon à l’affiche ce soir-là a-t-il comblé ses attentes ? Réponses…
Le Liceu de Barcelone qui figure en très bonne place parmi les hauts lieux de l’opéra dans le monde accueille également les spectacles de danse. Chaque saison, les grandes compagnies espagnoles et des compagnies étrangères choisies sur le volet se produisent sur la scène de la salle légendaire qui ne possède pas son propre corps de ballet.
Ce 27 avril 2019, la France était à l’honneur avec le Ballet de l'Opéra de Lyon. La troupe est l’une des plus vivantes de l’Hexagone. Elle est reconnue notamment pour avoir invité bien avant tout le monde les grands chorégraphes d’aujourd’hui comme William Forsythe, Mats Ek ou Angelin Preljocaj. Avec Maguy Marin (dont la Cendrillon a été applaudie dans le monde entier) Jirí Kylián est l’un de ses chorégraphes les plus emblématiques. Les œuvres du grand danseur tchèque sont interprétées par la troupe depuis maintenant une trentaine d’années. 2018-2019 marque d’ailleurs la fin de ses trois saisons de résidence à Lyon.
Une grâce absolue du mouvement
Dans le cadre de cette saison anniversaire des 20 ans de sa réouverture, le Gran Teatre del Liceu a offert une soirée digne de son rang en programmant trois chefs-d’œuvre : Wings of Wax, Bella Figura et Petite Mort.
La soirée s’ouvre sur une image forte, celle d’un arbre nu renversé, suspendu dans les airs. Wings of Wax s’inspire du mythe d'Icare et de ses ailes de cire. Les danseurs évoluent comme les ombres du héros dans le dépouillement de la scène, simplement éclairés d’un projecteur qui les encercle. Enfermés par les rayons du soleil, les artistes restituent les gestes du maître, sa chorégraphie, ses ralentis dans une grâce absolue du mouvement sur la musique envoûtante de Biber, Cage, Glass puis Bach. L’élégance des costumes (un justaucorps au sobre dégradé de bleu nuit) souligne le travail sur les corps particulièrement en osmose dans un pas de deux inoubliable.
Ambigüité des sexes
Créée en 1995, deux ans avant Wings of Wax, Bella Figura s’est imposée avec évidence à l’affiche des plus grandes compagnies dans le monde. Le spectacle permet aux danseurs (qui évoluent déjà sur scène quand les spectateurs retrouvent leur siège) un enchaînement brillant d’images dans une chorégraphie tout à la fois extravertie et mystérieuse. Les membres du Ballet de l’Opéra de Lyon excellent et sont particulièrement bien distribués. Les corps musculeux se remarquent puis se fondent dans un ensemble toujours parfaitement synchronisé notamment dans un trio qui offre un autre très beau moment de danse. Les touches rouges des costumes finissent d’harmoniser les danseurs torses nus dans une jolie ambigüité des sexes.
Petite Mort créé au Festival de Salzbourg en 1991 à l’occasion de l’anniversaire de la disparition de Mozart est sans doute plus difficile à cerner. Le chorégraphe y oppose six couples sur les célèbres adagio et andante des Concertos No. 23 et 21 de Mozart interprétés au piano par Véronique Werklé et avec l’Orchestre Symphonique du Liceu, agréablement dirigé par Santiago Serrate. Les hommes manient des fleurets tandis que les femmes jouent avec leur robe à panier.
Le rideau fluide couvre les corps qui se retrouvent dans de savants pas de deux. L’ensemble est parfait mais manque de dimension pour clore cette soirée en apothéose comme attendu. Menue critique tant la soirée de danse au Liceu de Barcelone avec le Ballet de l’Opéra de Lyon fut réussie.