Sondra Radvanovsky mène le Bal de Verdi à la Bastille
Verdi est un compositeur à succès qui compte plusieurs chefs-d’œuvre à son actif. Un ballo in maschera est du même acabit que Rigoletto ou Trovatore. Quand la première scène nationale française le met à l’affiche, sommes-nous conviés au bal de la Bastille ? Critique…
Les productions se suivent mais ne se ressemblent pas. Après une Bohème chahutée, l’Opéra national de Paris affiche la reprise d’Un ballo in maschera de Verdi. Signé Gilbert Deflo, ce spectacle élégant a été créé en 2007 et connaît ici sa deuxième reprise. Le public du mardi 16 janvier 2018, soir de première, a chaleureusement accueilli le metteur en scène qui n’a pris aucun risque. Dans des décors majestueux et impressionnants de William Orlandi, l’action se déroule dans la tradition mais sans véritable théâtre. Les chanteurs livrés à eux-mêmes marquent leur rôle plus qu’ils ne l’incarnent, à une exception près.
Le torrent Sondra Radvanovsky
La soprano américano-canadienne Sondra Radvanovsky a largement dominé la distribution en délivrant une véritable leçon de chant verdien dans le rôle d’Amelia. La voix est impériale avec une projection idéale, de la puissance et une longueur de souffle impressionnante. L’actrice se consume tout particulièrement dans son deuxième air « Morrò, ma prima in grazia » avec notamment, un messa di voce d’une parfaite maîtrise. Du grand art ! Pour l’accompagner, il est heureux de retrouver le chef français Bertrand de Billy dont la noble et belle carrière le conduit plus souvent à Vienne ou à New York qu’à Paris. Privilégiant la sensualité au drame, il conduit à merveille l’orchestre et le chœur de l’Opéra national de Paris, dignes d’éloges.
Le reste de la distribution solide mais déséquilibré…
Sans toutefois démériter, le reste de la distribution vocale semble déséquilibré face au torrent Radvanovsky. Le fringant ténor sarde Piero Pretti possède un aigu facile et un timbre des plus agréables mais il lui manque ce soupçon d’aura pour s’imposer complètement dans le rôle de Riccardo. Point faible de la distribution, Simone Piazzola, baryton pourtant aguerri ne projette pas suffisamment. Il n’existe quasiment plus dans le duo avec la soprano et affadit la forte intensité dramatique. Dans le rôle toujours payant d’Oscar, la soprano Nina Minasyan promène une voix corsée suffisamment bien placée pour fendre le vaisseau Bastille mais elle manque de charisme avec ce petit grain de folie qui élèverait un chant trop mécanique. Même si elle possède de nombreux atouts, l’on avoue être peu sensible à la voix de Varduhi Abrahamyan dont les graves font défaut pour être une Ulrica véritablement inoubliable mais l’artiste est convaincante.
Les rôles secondaires sont très bien tenus par Marko Mimica et Thomas Dear, conspirateurs inquiétants et bien chantants. Dans le rôle de Silvano, Mikail Timoshenko déjà aperçu dans « L’Opéra » (le documentaire exemplaire de Jean-Stéphane Bron) continue de se faire remarquer, pour notre plus grand bonheur. Que les menues critiques ne découragent pas le spectateur car les amateurs de grandes voix doivent courir pour applaudir l’époustouflante Sondra Radvanovsky qui vaut à elle seule le détour. Les traditionnels ne seront pas dérangés par la sage production. En revanche, les théâtreux devront encore attendre la mise en scène d’un bal masqué plus engagé, au risque de rater sans nul doute une prestation inoubliable.