Le pianiste triple-médaillé Kevin Chen de passage à Paris
Les concours sont une porte d’entrée idéale pour les jeunes artistes comme Kevin Chen. Le pianiste a su séduire les membres des jurys de Budapest, Genève et Tel-Aviv. Les mélomanes parisiens partageront-ils le même enthousiasme qu’eux ? Réponse…
Auréolé d’un premier prix au Concours de Genève (remis à l’automne 2022), le jeune pianiste Kevin Chen était de passage à Paris, le 19 juillet 2023, pour un récital proposé dans le cadre du Festival Européen Jeunes Talents. Le programme donné à la cathédrale Sainte-Croix des Arméniens dans le Marais était composé d’œuvres des Schumann, de Mendelssohn et de la fameuse troisième sonate de Chopin, une parfaite occasion pour découvrir un talent de 18 ans, promis à un bel avenir car tout semble sourire au pianiste canadien.
Budapest, Genève, Tel-Aviv et maintenant Paris !
Avec Genève et alors qu’il avait été également distingué d’un premier prix au Concours Franz Liszt à Budapest en 2021, Kevin Chen a récemment raflé la mise du Concours international de piano Arthur Rubinstein de Tel-Aviv. Sorti vainqueur de trois compétitions majeures, il revient à Paris en toute humilité devant un parterre de spectateurs amateurs de belles découvertes. Depuis maintenant 23 ans, le Festival Jeunes Talents accompagne les artistes en début de carrière en leur permettant de se produire à Paris. Les programmateurs auront eu le nez creux car même si Kevin Chen est déjà venu (notamment au Festival Chopin à Bagatelle), son récital avec un programme ambitieux était amplement attendu. Le choix des œuvres montre ses affinités avec le répertoire romantique. L’on regrettera toutefois que les pièces de Scriabine annoncées et la huitième novelette de Schumann aient disparu, réduisant le concert à un peu plus d’une heure de piano intense. Après le bis final, nombreux étaient les spectateurs conquis à attendre une suite…
Le pas rapide du pianiste en marche vers les sommets
Avec son jeu à la technique irréprochable, le pianiste a confirmé tous les espoirs. La Fantaisie opus 28 de Mendelssohn montre la maîtrise et l’éloquence de ce jeune artiste de 18 ans. Le mouvement Allegro, particulièrement virtuose, est heureusement expressif et ne pose absolument aucune difficulté. En choisissant les Variations sur un thème de Schumann de Clara Schumann, Kevin Chen place Madame en avant. La compositrice, contrairement à bon nombre de ses consœurs, n’a pas été oubliée mais elle reste moins servie au concert que son époux Robert. Ses Variations sont suffisamment profondes et intelligentes pour susciter plus qu’un intérêt de façade. Kevin Chen ne semble pas savoir quoi faire du mouvement lent, plus intéressé à faire rugir son instrument comme dans les Variations sérieuses de Mendelssohn. Le choix de la pièce avec un court final en apothéose semble redondant et donne une impression de rapidité que l’on retrouvera dans la célèbre Sonate No. 3 de Chopin. Les attaques marquées exposent un pendant primesautier de Chopin assez inhabituel mais la phrase précipitée manque de langueur pour que l’on ait le temps de la savourer. Le Scherzo montre qu’il y a incontestablement beaucoup de technique et d’ailleurs, le Largo possède une belle noblesse mais dans une œuvre où les références et les habitudes d’écoute ne manquent pas, il est difficile de se laisser aller à l’émotion. Un peu sec, le mouvement lent oublie l’opulence qui ouvre pourtant les bras à une ampleur toute romantique. Le final Presto est incontestablement le plus réussi car le piano finit par créer une sorte de transe dans les mouvements répétés où l’on comprend enfin l’urgence. Passé dans une implacable essoreuse, le mélomane sort épuisé et pourtant ravi. Widmung de Schumann en bis, dans sa transcription de Liszt, prouve que Kevin Chen sait rendre son piano joliment chantant. Même si ce récital ne soulève pas encore totalement l’enthousiasme, le pianiste est un talent à suivre de près, son évolution artistique se révèlera passionnante, sans aucun doute.