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Dancing Pina au cinéma, être et transmettre...

Dancing Pina au cinéma, être et transmettre...

Le mélomane s’accorde parfois une visite au cinéma surtout lorsqu’il s’agit de découvrir les chefs-d’œuvre de Pina Bausch. Du Sénégal à l’Allemagne, les créations de la chorégraphe transforment et métamorphosent ceux qui osent s’y aventurer. Explications…

Dancing Pina (c) Dulac Distribution

Cinéphiles et mélomanes pourront découvrir en salles le 12 avril 2023, Dancing Pina, le troisième film de Florian Heinzen-Ziob. Après Pina, documentaire réalisé par Wim Wenders en 2010 où l’on contemplait la troupe du Tanztheater Wuppertal, nous suivons ici le Ballet du Semperoper de Dresde et L’École des Sables près de Dakar. Les danseurs d’horizons différents se prêtent à l’exercice complexe qu’est de monter l’Iphigénie en Tauride (1974) pour le ballet de l’Opéra de Dresde et Le Sacre du printemps (1975) pour les trente-six danseurs venus de quatorze pays africains. Le réalisateur, scénariste et monteur de Dancing Pina a grandi à une demi-heure du Tanztheater, pourtant il ignore le travail de Pina Bausch. Un projet le conduit aux archives de son œuvre où il s’étonne de n’y trouver que textes et images. La Fondation Pina Bausch mène Heinzen-Ziob à Dresde et à Dakar où il réalise un documentaire captivant, témoignant de l’importance du rôle de la transmission dans la danse.

Héritage éphémère

Dancing Pina - Affiche

De 1973 à 2009, Pina Bausch révolutionne la danse en proposant le concept de danse-théâtre. Elle interroge les relations humaines. En plaçant interprètes et directeurs artistiques au centre de son film, Heinzen-Ziob parvient à illustrer le message même de son travail. Dès les premières minutes, l’on comprend qu’après la mort de la chorégraphe en 2009, l’œuvre de Pina Bausch survit et continue d’évoluer grâce aux danseurs du Tanztheater Wuppertal qui perpétuent la transmission. Josephine Ann Endicott et Jorge Puerta Armenta dirigent Le Sacre du printemps tandis que Malou Airaudo et Clémentine Deluy (elle-même élève de Malou Airaudo) conduisent L’Iphigénie en Tauride. La caméra tourne et nous offre l’accès au processus de création : l’inspiration recueillie des captations de précédentes versions, la reprise infinie d’un mouvement, les répétitions, la sueur jusqu’à l’épuisement. L’on discerne la puissance de Bausch présente dans le corps et l’esprit de ses danseurs qui éclot peu à peu. Les œuvres de Gluck et de Stravinsky jouent un rôle essentiel dans le rythme du film qui saute de continent en continent, entre Europe et Afrique. Aucune nécessité de voix off, seuls les commentaires des interprètes construisent l’histoire. La technique du montage parallèle est accentuée par lumières et couleurs, un plateau sombre sous les spots lumineux d’un opéra majestueux face à une scène naturelle immergée au milieu de l’horizon africain. L’esthétique du film atteint son apogée lorsque la pandémie jaillit et interrompt la représentation. La plage sénégalaise devient alors scène et nous offre un plaisir artistique et photographique.

Un nouveau vocabulaire de danse

Dancing Pina (c) Dulac Distribution

Les danseurs classiques Sangeun Lee, sud-coréenne, soliste principale et Julian Amir Lacey, américain, premier soliste du Semperoper Ballett, habitués à incarner la perfection, sont confrontés à l’imperfection du mouvement. Les danseuses Luciény Kaabral, capverdienne, Gloria Ugwarelojo Biachi, nigériane et Franne Christie Dossou, béninoise, doivent dépasser le doute et la technicité requise. Un kilo en trop, une taille trop grande, un art déplacé, un choix de vie choquant, les violences du parcours d’un danseur n’ont ici pas leur place. Les jugements disparaissent pour laisser place au plongeon dans la puissance des corps. Oserait-on même parler de transe, de sacrifice ? La formation de danse, les influences, qu’elles soient hip-hop, classique, contemporaine, n’importent guère. C’est l’interprétation qui prime, la faculté d’être soi. Dancing Pina s’adresse aux amateurs de danse mais surtout à ceux qui souhaitent s’initier et s’ouvrir au travail de Pina Bausch. En sortant de la longue projection, l’envie de découvrir ses créations dans des salles de spectacle et d’aller écouter les œuvres des compositeurs surgit. La soif de spectacle vivant s’impose. En mettant en contraste une compagnie de danse classique et une troupe de danseurs d’influences chorégraphiques variées, le documentaire de Florian Heinzen-Ziob nous amène à saisir l’impact qu’a l’œuvre de Pina Bausch sur ses danseurs et sur son public. Quatorze ans après sa disparition, Pina Bausch accueille, unit, lie et s’adresse à l’humain, quel qu’il soit.

Dancing Pina, un film de Florian Heinzen-Ziob - Sortie en salle le 12 avril 2023

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