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Le Théâtre antique d’Orange ébranlé par Samson et Dalila

Le Théâtre antique d’Orange ébranlé par Samson et Dalila

Les mélomanes festivaliers ont bouclé la boucle en retournant aux Chorégies d’Orange pour assister à la représentation du chef-d’oeuvre de Saint-Saëns programmée en 2020. Samson et Dalila ont ébranlé le Théâtre antique au sens propre comme au figuré. Explications...

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Roberto Alagna © Gromelle

 Telle l’image d’un temple qui s’effondre, l’annonce de l’annulation de l'édition 2020 des Chorégies d’Orange a été vécue comme un séisme, le premier du vaste chaos pandémique. Tout au long des mois d’incertitudes, une flamme vacillante a préservé la lumière sur l’édition 2021 qui a pu se tenir, bien heureusement, dans des conditions sanitaires drastiques facilement vécues par les festivaliers venus nombreux. Comme Moïse, la production de Samson et Dalila a pu être sauvée des eaux et enfin présentée ce samedi 10 juillet 2021 sous le doux ciel provençal. En programmant le chef-d’œuvre de Saint-Saëns qu’il met en scène, Jean-Louis Grinda le sémillant directeur des Chorégies suit sa ligne directrice en offrant des opéras moins visités mais tout aussi palpitants que les Carmen, Aida et Traviata.... La magie d’Orange opère toujours en découvrant le vaste plateau et le fameux mur du Théâtre antique qu’il n’est pas étonnant de découvrir entièrement nus, l’ensemble servant de décor naturel. Pour dissimuler l’ouvrage romain, des projections souvent très belles figureront les divers paysages de la Palestine à l’époque biblique.

Dalila et le petit bambino

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Samson et Dalila – Chorégies d’Orange © Gromelle

La mise en scène est efficacement classique avec cependant suffisamment de fantaisies pour signer une production plus personnelle qu’il n’y paraît. Fin connaisseur des lieux, Jean-Louis Grinda ne craint pas d’utiliser le gigantesque plateau que les figurants habitent dans des déplacements à la fois convenus et chorégraphiés avec esthétisme. Il se passe en effet de très belles choses sur scène et il est sûr que les spectateurs retiendront de nombreuses images comme le poétique ciel étoilé projeté sur le mur, l’étoile de David dessinée autour du vieil hébreu ou encore l’effondrement du temple très réussi. Belle image également que celle d’un petit angelot aux ailes lumineuses, fil conducteur de la soirée qui, comme l’archange Gabriel, annonce et donne à Samson son pouvoir avant de le conduire vers son martyre. Les impressionnants costumes signés Agostino Arrivabene évoquent plus les superproductions de D. W. Griffith que « Connaissance du monde » et participent efficacement au grand spectacle. Comme Aida, Samson et Dalila est une œuvre intimiste avec quelques scènes à tableau qui sont rarement aussi bien illustrées qu’à Orange. Côté distribution vocale, les puristes sont sans doute moins à la fête car le format des têtes d’affiche ne correspond pas à ce qu’ils attendent et pourtant, les mélomanes ont passé une très belle soirée grâce notamment à la diction retrouvée d’une distribution 100% francophone. La prosodie est un vrai atout lorsqu’il s’agit d’interpréter ce que l’on chante. Marie-Nicole Lemieux a opté pour une version chambriste qui paye. Elle susurre mais subjugue dans « Printemps qui commence... » par exemple chanté comme une mélodie. Dalila demande également une véhémence qui est plus jouée que déclamée. L’aigu parfois tendu ne sert pas toujours l’admirable incarnation dramatique mais la mezzo se montre subtile et convaincante face à son partenaire Roberto Alagna.

Samson et avec panache

Marie-Nicole Lemieux et Roberto Alagna - Samson et Dalila © Abadie

Marie-Nicole Lemieux et Roberto Alagna - Samson et Dalila © Abadie

L’enfant chéri du public orangeois faisait son grand retour après quelques années d’absence aux Chorégies. Plus lyrique que dramatique, le ténor emporte lui aussi l’adhésion avec une vision du rôle tout en sobriété et retenue. Pas de vaillance mais du panache pour cette voix toujours solaire à 58 ans d’un artiste qui possède un abattage irrésistible et cette aura unique, tant appréciée de ses nombreux admirateurs. Très estimé lui aussi, Nicolas Cavallier est un baryton capable sans aucun doute d’incarner le Grand-Prêtre de Dagon même si la noirceur du personnage plutôt suggérée n’effraie pas vraiment. Au début de la représentation, un petit mistral taquin semble avoir desservi la prestation de Julien Veronèse, Abimélech peu audible. En revanche, Nicolas Courjal s’est imposé sans mal dans le rôle du Vieil Hébreu souvent distribué à des voix trop âgées et que l’on redécouvre ici avec bonheur. Il convient également de citer Marc Larcher, Frédéric Caton et Christophe Berry, seconds rôles toujours bien distribués aux Chorégies d’Orange. D’une grande précision et avec une belle diction, les Chœurs des Opéras Grand Avignon et de Monte-Carlo sont les autres voix dignes d’éloge, placées comme l’Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction très élégante d’Yves Abel. L’ouverture un peu rapide a laissé place à une sensualité et une volupté remarquable dans les parties intimistes. Aussi à l’aise avec le grand spectacle, le chef a réussi une brillante Bacchanale réglée sur le plateau par la chorégraphe Eugénie Andrin. Les danseurs issus des Ballets des Opéras Grand Avignon et de Metz possèdent suffisamment d’originalité pour qu’on les remarque et qu’on salue leur belle prestation.

Depuis 1978, les Chorégies d’Orange n’avaient jamais reprogrammé Samson et Dalila. Comme les festivaliers enthousiastes, le chef-d’œuvre de Camille Saint-Saëns (mort en 1921, il y a 100 ans) reprend vie au Théâtre antique avec une production qui restera dans les mémoires.  

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