Cyrille Dubois, l’instant lyrique pétaradant d’aigus !
Le dôme de l’Eléphant Paname sait accueillir les artistes en vue capables d’offrir des récitals de chant de haute volée. Le mélomane qui connait et apprécie le flamboyant ténor Cyrille Dubois ne s’attendait sans doute pas à ce qu’il a entendu. Compte-rendu…
A Paris, les rendez-vous sont devenus incontournables sous le dôme de l’Eléphant Paname et tout particulièrement en cette saison anniversaire. Ce mardi 19 novembre 2019, Cyrille Dubois a offert à un public venu nombreux, le 48ème instant lyrique de la salle de récital de la rue Volny. Le programme généreux avec une première partie consacrée à la mélodie et une deuxième à des airs d’opéra était assez inattendu. Après la sortie d’un CD entièrement consacré aux mélodies de Liszt qui a reçu des éloges amplement mérités, les admirateurs du ténor s’attendaient selon toute probabilité à un récital traditionnel composé des plus belles pages de la littérature mélodiesque et Liedereuse. Et pourtant, c’est sur les airs virtuoses de Rossini, Bellini et Donizetti que Cyrille Dubois à semble-t-il miser pour subjuguer l’auditoire et le surprendre.
La barrière du pupitre
Les cinq mélodies de Venise de Fauré sur des poèmes de Verlaine forment un choix judicieux et presque un passage obligé lorsque l’on possède comme l’artiste un phrasé soigné, une compréhension de la poésie et un art consommé de la récitation. Le ténor allège délicatement pour savourer par exemple les vers d’En sourdine, surarticulés comme il convient quitte à sacrifier légèrement la ligne. La tessiture assez centrale de certaines mélodies ne met pas encore en valeur la voix à l’aigu si facile. Le parfait Tristan Raës est un accompagnateur tout d’abord discret. Son piano se fond dans les Fauré puis il devient plus parlant dans les Lieder de Liszt où le dialogue s’installe enfin. O Lieb chanté avec spontanéité est avec Der Fischerknabe, le temps fort de cette première partie qui laisse toutefois une étrange impression d’inabouti. Trop accroché à sa partition qu’il quitte peu des yeux, Cyrille Dubois impose malgré lui une barrière avec son public. Peut-être se réserve-t-il pour la suite ?
Feu d’artifice vocal
Dans la deuxième partie, pas moins de six airs d’opéra et non des moindres sont venus bousculer le public en lui rappelant les multiples talents de l’artiste, le premier étant cet aigu d’une insolente facilité. Les spécialistes s’interrogeront sur le choix de ces tubes signés Rossini, Bellini et Donizetti car en l’état actuel, le ténor (incomparable Nadir) ne peut rivaliser avec d’autres, dans le rôle d’Edgardo de Lucia di Lammermoor par exemple. Le piano et l’intimité de la salle lui permettent de se faire plaisir et d’enflammer le public avec un feu d’artifice de contre-ut. En musicien accompli, il orne d’une jolie variation le fameux air una furtiva lagrima. Il pirata réclame sans doute plus de chair et d’italianité et pourtant la conduite des aigus permet de rallier les plus sceptiques. Les extraits choisis de Rossini conviennent mieux à la voix de ténor léger. La vocalise en mitraillette passe assez facilement. Etourdis par tant d’éclat, les spectateurs éblouis ne savent plus s’ils sont dans La scala di seta, Cenerentola ou Il turco in Italia (sauf erreur, le soulier de Cendrillon s’est perdu en cours de récital). En bis, Oh ! quand je dors de Liszt susurré laisse deviner une légère fatigue après un récital si généreux. Elle n’a pas empêché Cyrille Dubois de finir avec le bouquet final, Ah ! mes amis, quel jour de fête ! et ses neufs contre-ut.