Leonskaja et le Quatuor à cordes de la Staatskapelle à la Pierre Boulez Saal de Berlin
La vie du mélomane voyageur est ponctuée de belles découvertes. Entendre le Quatuor à cordes de la Staatskapelle Berlin dans la fraîchement inaugurée Pierre Boulez Saal de Berlin lui a offert deux nouvelles occasions. Compte-rendu…
Berlin demeure la capitale évidente de la musique classique. Avec trois salles d’opéra et deux salles de concert prestigieuses, il manquait cependant un lieu marquant dédié à la musique de chambre. Ce samedi 12 janvier 2019, une belle occasion nous a été donnée de découvrir le Quatuor à cordes de la Staatskapelle de Berlin (avant leur venue à Paris, les 15 & 16 janvier 2019) dans la superbe Pierre Boulez Saal de Berlin.
Inaugurée en mars 2017, la salle a été conçue par l’architecte superstar Frank Gehry avec le concours du célèbre acousticien Yasuhisa Toyota. Les spectateurs sont placés dans un élégant amphithéâtre en ovale et peuvent jouir d’une proximité avec les artistes assez rare. Il n’y a pas de meilleure place ici car les organisateurs ont l’intelligence de changer la disposition des instrumentistes pendant l’entracte. Ainsi, le mélomane qui faisait face au piano se retrouve à contempler les mains dans la deuxième partie du concert. Pour le confort de tous, le programme de salle est bilingue allemand-anglais. L’Europe peut s’enorgueillir de posséder avec la Pierre Boulez Saal, une salle de musique de chambre moderne et inédite qui offre une vraie expérience chambriste.
La musique de Brahms s’invite chez Pierre Boulez
Le succès du concert tient bien évidemment à la qualité des artistes en scène. Il n’est pas toujours facile pour un quatuor issu d’un orchestre de se faire un nom. Et pourtant, en écoutant les douces sonorités du Streichquartett der Staatskapelle Berlin dans les Quatuors avec piano Nos. 1 et 2 de Brahms, la question semble superflue. Avec une évidente cohésion, une écoute de chaque instant, les solistes se répondent admirablement avec une grande et belle sensualité dans les jeux.
Sous l’impulsion de Daniel Barenboim, les jeunes artistes ont commencé leur aventure il y a dix ans déjà, en accompagnant l’illustre pianiste (et chef d’orchestre de la Staatskapelle Berlin). L’idée de se constituer en quatuor vient d’ailleurs du Maestro lui-même et a pris effet en 2016. C’est accompagné de la grande dame du piano Elisabeth Leonskaja qu’ils ont interprété les deux quatuors avec un égal succès, les deux premiers violons prenant place tour à tour. L’art certain de la musicienne lui permet de se fondre dans l’ensemble avec l’évidence et l’humilité des plus grands. Les artistes trouvent l’équilibre juste entre beauté et expressivité avec des attaques franches et un vibrato élégant qui sied particulièrement au deuxième quatuor.
Les envolées du premier mouvement répondent à merveille au « poco adagio », à l’atmosphère nocturne inquiétante où l’on remarque cette belle profondeur d’interprétation. Il y a sans doute moins d’enjeu à défendre le premier quatuor, plus populaire. Pourtant les musiciens du Quatuor à cordes de la Staatskapelle de Berlin ont développé la même élégance dans un rondo final, tout d’abord assez sage avec un sentimentalisme jamais appuyé puis complètement fougueux, comme il se doit. L’équilibre y est remarquable.