Pergolesi Stabat Mater – Jodie Devos, Adèle Charvet, Julien Chauvin
Sortie le 4 février 2022 sous le label Alpha Classics
Connaissez-vous le Stabat Mater de Pergolesi ou plutôt, celui de Pergolèse ? Question pas si idiote si l’on se penche sur le nouvel enregistrement du chef-d’œuvre absolu de la musique religieuse proposé par Julien Chauvin. Le destin du Stabat Mater est déjà une aventure en soi. Alors qu’il l’imaginait pour un grand ensemble, le jeune compositeur doit réduire ses ambitions et meurt quelques temps après sa création, foudroyé par la tuberculose à 26 ans. La partition connaît un rapide succès qui la fera voyager un peu partout en Europe. En France, l’œuvre est un des piliers du répertoire du Concert Spirituel et sera entendue quatre-vingt-deux fois entre 1753 et 1790. Dans le livret, un texte de Julien Dubruque du Centre de Musique Baroque de Versailles nous rappelle que le respect scrupuleux des notes de musique est une invention moderne, les musiciens coupant, transposant ou transformant allègrement les œuvres pour répondre aux besoins ou à la mode du moment. Artiste érudit et curieux, le chef Julien Chauvin s’est arrêté sur une partition de 1753 dénichée à la Bibliothèque nationale de France. C’est donc un Stabat Mater tel qu’on pouvait l’entendre à Paris qui est restitué ici et les différences avec l’original sont assez incroyables. L’ajout d’un chœur d’enfant (parfaite Maîtrise de Radio France) apporte sans nul doute une touche irréelle et contraste avec les deux grandes voix solistes. La mode réclamait des chanteuses d’opéra italien parfaitement personnifiées ici par Jodie Devos et Adèle Charvet. Ne cherchant pas à alléger leur voix façon baroque, les deux artistes se fondent admirablement dans le projet pour imposer de grands et beaux moyens sans toutefois tomber dans un hors sujet belcantiste. Il serait amusant de les entendre maintenant dans la version originale. Les musiciens du Concert de la Loge ont une sonorité plus enveloppante et Julien Chauvin adopte un geste qui semble plus dansant, plus français serait-on tenté de dire… Mais le plus étonnant est sans aucun doute la prononciation française du latin qui change jusqu’à la couleur du texte. Une version étonnante qui fera le bonheur des mélomanes amoureux de Pergolesi, ravis de redécouvrir son chef-d’œuvre sous un autre jour, surtout avec la Symphonie No. 49 de Haydn en complément de programme. En livrant une interprétation racée, Julien Chauvin vaut que l’on s’y arrête. Le choix d’une symphonie dans la même tonalité et avec les mêmes effectifs lui permet de faire un clin d’œil historique amusant. A Paris, Papa Haydn a été invité à composer six Symphonies pour ses frères du Concert de la Loge olympique, concurrents à l’époque du… Concert spirituel ! La boucle est ainsi bouclée.