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No(s) Dames – Théophile Alexandre, Quatuor Zaïde

Sortie le 21 janvier 2022 sous le label NoMadMusic

« Hommage dégenré aux héroïnes d’opéra » le CD No(s) Dames est le reflet d’une série de concerts qui a emmené le contreténor et danseur Théophile Alexandre et le Quatuor Zaïde (composé de quatre musiciennes) un peu partout en France et que le mélomane qui découvrira ce disque n’a pas forcément vu. Même si l’on défend la non-binarité, il y a toutefois deux façons d’aborder l’enregistrement. La première, côté femme, serait d’évoquer les fantômes des grandes et belles voix qui sont passées dans ce répertoire en y laissant un souvenir indélébile. Malgré les qualités de la voix, quelques belles nuances mais surtout à cause de son timbre de contreténor, Théophile Alexandre ne peut jamais rivaliser avec la beauté naturelle des divas à qui l’on pense immanquablement. Apparemment le sujet n’est pas là. Côté homme, il convient de rappeler que l’artiste n’est pas le premier à franchir la frontière. Quelques sopranistes se sont déjà illustrés dans les airs réservés aux voix de femme avec talent et l’on ne compte plus les contreténors passés de l’autre côté du miroir. Récemment, Fabrice di Falco au concert rendait hommage aux divas noires en nous emmenant très loin dans l’émotion. Au disque, on se souvient notamment d’un CD paru en 1995 où Andreas Scholl arrivait à nous convaincre sans mal qu’il était Carmen. La voix de Théophile Alexandre n’est pas exempte de défauts avec un aigu un peu tendu (contrairement au chanteur allemand) et un timbre qui affiche une androgynie peu marquée. Pour apprécier ce CD, reste une troisième voie, celle de l’exercice de style où l’on s’amusera du jeu du chat et de la souris entre monsieur et mesdames. Lorsque l’auditeur entend les premières notes du redoutable air de la Reine de la Nuit, il se dit qu’il est impossible au contreténor de se hisser jusqu’aux notes stratosphériques et en effet, il ne s’y risque pas et laisse le premier violon du Quatuor Zaïde assurer le spectacle. Les musiciennes qui offrent de très beaux moments (Bellini, Strauss) accompagnent avec précision mais parfois il leur manque ce petit grain de folie ou l’audace qui leur aurait permis de complètement sublimer toutes les pièces orchestrales. Dans le choix des airs, le drame est préféré à la légèreté. La gravité se retrouve également dans le message que tente de faire passer l’artiste qui s’interroge sur « la duplicité des rôles assignés aux femmes dans tous ces opéras composés par des hommes : célébrées mais caricaturées et corsetées, virtuoses mais déshumanisées, magnifiées mais martyrisées… jusqu'à l'acmé de leur sublime agonie ». Imaginer qu’en s’appropriant leur répertoire, un contreténor puisse réparer l’outrage fait aux femmes par la société patriarcale depuis tant d’années semble malgré la sincérité du propos, un rien présomptueux.