Classique c'est cool

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Georg Nigl, Olga Pashchenko - Vanitas Schubert Beethoven Rihm

Sortie le 13 novembre 2020 sous le label Alpha

On pourrait facilement présenter Georg Nigl en évoquant sa carrière atypique mais résumer ce grand artiste par ses prises de risque dans la musique contemporaine serait bien trop réducteur. Ce récital vient à point pour nous rappeler que le baryton est tout simplement un très grand artiste et sans aucun doute, un récitaliste hors pair. Dès la première note, le timbre envoute avec une voix qui a priori n’est pas aussi séduisante que celle d’un Dietrich Fischer-Dieskau ou d’un Matthias Goerne. Les artistes sont pourtant comparables en quelques points. Du premier, il semble avoir hérité cette voix blanche, presque sans vibrato et du deuxième, un velours et une voix au soyeux remarquable. L’art du texte que ces grands artistes partagent est également admirable mais très personnel, ce qui est un atout pour redécouvrir les Schubert souvent enregistrés. Parfois en retrait, le baryton se fait tour à tour conteur et acteur de la poésie. Comme souvent avec les grands disques de Lieder, pour les non germanophones, il est indispensable de suivre les paroles sur le livret avec la traduction française pour goûter à la délicatesse du mot. Chaque respiration, chaque consonne semble pensée pour faire sens. L’enchainement des poésies est choisi avec soin et offre un subtil crescendo vers l’émotion.

La première série des Lieder de Schubert, avant de s’achever avec une pièce légère (Fischerweise), atteint son acmé avec un Abendstern déchirant. Les six mélodies d’An die ferne Geliebte, le célèbre cycle de Beethoven, sont interprétées sans pause dans une parfaite cohérence rythmique et stylistique. Une autre singularité vient de l’utilisation du pianoforte pour Beethoven et Schubert et d’un piano moderne pour Vermischter Traum (ce cycle a été composé par Wolgang Rihm pour Georg Nigl). Olga Pashchenko est une accompagnatrice de rêve qui s’attache comme le chanteur à respecter l’atmosphère et les détails de partitions foisonnantes. L’œuvre de Rihm enregistrée en première mondiale sollicite plus les moyens vocaux exploités dans une explosion inattendue qui rappelle la ductilité et la puissance du baryton. Bien sûr, la composition moderne contraste avec les romantiques mais il est ici aussi passionnant de suivre des textes profonds (d’Andras Gryphius, poète allemand du XVIIe siècle) qui prennent tout leur sens lorsque l’on sait que le compositeur a écrit le cycle alors qu’il était gravement malade. Les derniers Lieder apaisés de Schubert qui closent ce merveilleux disque viennent apporter une touche délicate et attendrie (peut-être un hommage de Nigl à Rihm qui lui a dédicacé le cycle). Reste ce titre « Vanitas » qui rappelle les énigmatiques tableaux allégoriques aussi beaux et poignants que la voix de Georg Nigl qui livre ici un récital exceptionnel.