Jérémie Rhorer, Stéphanie-Marie Degand - Johannes Brahms
Sortie le 19 novembre 2021 sous le label NoMadMusic
Comment aborder ce disque sans rouvrir un débat esthétique entre instruments modernes et anciens que l’on pensait d’un autre temps ? En proposant une nouvelle version radicale de la 1ère symphonie de Brahms avec son orchestre baroque Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer se retrouve sur le banc des accusés, les romantiques face à lui et, en témoin central au cœur de toute l’affaire, le compositeur lui-même. De grand chefs comme John Eliot Gardiner et Marc Minkowski s’y sont risqués avant lui sans jamais vraiment convaincre. C’est par la musique chorale que Gardiner a abordé les symphonies de Brahms avec une lecture plus limpide mais trop intellectuelle. Minkowski a voulu sortir les contrastes avec une brusquerie qui a rebuté les critiques musicales. Les chefs qui ne s’y sont plus aventuré depuis ont vraisemblablement ouvert la voie dans laquelle Jérémie Rhorer s’est précipité tête baissée. Le son de l’orchestre en petite formation si apprécié dans le répertoire baroque est très dur. Toutes les beautés instrumentales brahmsiennes sont gommées avec une orchestration qui ressort exsangue. Sans évoquer l’esprit de l’œuvre ou chercher à faire tourner les tables pour savoir ce que le compositeur souhaitait, on peut se demander l’intérêt de jouer cette symphonie si connue avec un orchestre désossé où les instrumentistes à découvert se trouvent à la limite de la fausseté ?
Pour la défense, l’on imagine que la véritable raison de cet enregistrement n’est pas la symphonie mais le concerto pour violon où s’illustre Stéphanie-Marie Degand. L’artiste historiquement inspirée joue sur un Gennaro Galiano (du luthier napolitain du XVIIIe siècle). En effet, l’instrument à beaucoup de choses à nous dire et à nous apprendre sur une œuvre qui nous est si familière mais il faut quand même réussir à s’habituer aux sons de l’orchestre avec ses étranges sautes d’humeur. Moins dans la virtuosité, la violoniste déploie comme on l’imagine des sonorités assez inédites qui deviennent plus parlantes. Même différents qu’avec des violons modernes, la beauté et l’hédonisme de cette musique sont bien présents. Quelques inflexions inédites créent la surprise et renouvellent agréablement l’écoute. On l’aura compris, ce nouvel opus de l’excellente maison de disque NoMadMusic qui marche au coup de cœur saura agiter le mélomane.