Ce que l’on pense (vraiment) de la saison 2019-2020 de l’Opéra national de Paris
Chaque saison, c’est la même histoire. Nous avons d’un côté les ronchons qui détestent et de l’autre les fans qui adorent. Le programme de saison de l’Opéra national de Paris soulève les passions. CCC temporise et vous dit ce qu’il en pense ! Appréciations 2019-2020…
Chaque saison, le jeu recommence à l’annonce de la nouvelle saison de l’Opéra national de Paris. La première maison française fait parler d’elle avec passion et il est difficile parfois de faire la part des choses avec d’un côté les commentaires du clan « je-suis-parisien-j’aime-rien » et de l’autre, ceux du groupe des « j’adôôôôre ».
Comme souvent avec les Gaulois réfractaires, les avis négatifs viennent plus facilement que les éloges. Suivons tout d’abord nos compatriotes pour commencer par l’incompréhension. Pourquoi programmer de nouveau la production de La Bohème signée Claus Guth ? En faisant monter les héros du drame de Puccini à bord d’un vaisseau spatial, le metteur en scène a atteint le vide sidéral, en perdant toute l’émotion en route. Quinze nouvelles dates suffiront peut-être à confirmer le ratage malgré une belle distribution (avec en alternance Ermonela Jaho, Elena Stikhina, Vittorio Grigòlo ou Benjamin Bernheim). A moins que quelques snobs ne s’emparent de la cause !
La deuxième remarque concerne justement les distributions. L’on ne peut que se réjouir d’applaudir des stars montantes comme Benjamin Bernheim, ténor accompli mais se demander tout de même pourquoi il est à l’affiche trois fois cette saison (Traviata, Manon et La Bohème) en admettant bien évidemment qu’abondance de biens ne nuit pas, surtout dans son cas. En revanche, même si l’on comprend les raisons qui poussent la superstar Anna Netrebko à vouloir chanter avec son mari, il faut reconnaître que sans toutefois complètement démériter, Yusif Eyvazov ne se hisse jamais à la hauteur de la soprano. Dans toutes les grandes salles, il devient de plus en plus rare de voir l’un sans l’autre, hélas !
Les plus grandes voix à l’affiche
Maintenant, réjouissons-nous ! Les belles surprises parsèment la saison à commencer par des distributions internationales de tout premier plan. Anna Netrebko n’est pas le seul grand nom de la saison où l’on attend Sondra Radvanovsky, Pretty Yende, Anita Rashvelishvili, Jonas Kaufmann, Roberto Alagna, Andreas Schager, Michael Spyres, Matthias Goerne, Ludovic Tézier, René Pape… Il y a peu d’opéras dans le monde qui peuvent se vanter d’un tel luxe.
L’on a souvent fait le reproche à l’Opéra national de Paris de ne pas offrir assez de visibilité aux talents made in France. Même si l’on ne comprendra jamais des manques irréparables comme l’absence d’Annick Massis, cette saison nous avons la chance de voir Elsa Dreisig multiplier ses talents dans I Puritani et Rigoletto, Julie Fuchs badiner dans le rôle de Musetta, Florian Sempey redoubler son Barbiere di Siviglia et Gaëlle Arquez en muse évidente des Contes d’Hoffmann (avant sans doute de nombreux autres rôles). La production la plus excitante de 2019-2020 reste Les Indes galantes qui regroupe la fine fleur du chant francophone, Sabine Devieilhe, Jodie Devos, Stanislas de Barbeyrac, Matthias Vidal et la direction de Leonardo García Alarcón (mais pourquoi à Bastille ?).
Le Ring de retour à Paris
Autre temps fort de 2019-2020, le Ring de Wagner dirigé par Philippe Jordan est très attendu. Même si les spécialistes peuvent émettre des doutes sur Martina Serafin et la nouvelle mise en scène de Calixto Bieito, ils ne peuvent que se réjouir de voir à Paris, le Siegmund de Jonas Kaufmann, le Siegfried d’Andreas Schager et une très belle distribution. Telle une abeille qui s’enivrera de pollens, les mélomanes iront butiner de-ci de-là.
Les Verdiens seront heureux d’entendre le Don Carlo italien de Roberto Alagna, le Duca di Mantova de Frédéric Antoun (malgré la mise en scène) et cette nouvelle Traviata. Les Russes sont à la fête avec un Boris hors norme (René Pape) et un rare Prince Igor de Borodine avec une distribution très alléchante dans une mise en scène attendue (Barrie Kosky). Les amateurs de contemporain seront ravis de revoir les très réussis Lear d’Aribert Reimann et Yvonne, Princesse de Bourgogne de Philippe Boesmans.
Avec le Rameau, les francophiles vont se ruer sur Manon, chef-d’œuvre de Massenet ou courir revoir la production phare des Contes d’Hoffmann signés Robert Carsen avec l’incandescent Michael Fabiano. Les mozartiens ne sont pas en reste avec Don Giovanni et Cosí fan tutte bien distribués.
Outre le sempiternel Madama Butterfly de Bob Wilson un peu trop vu, les reprises savent se faire désirables avec de jolies fleurs comme Lisette Oropesa dans Il Barbiere et la Netrebko dans Adriana Lecouvreur. La dernière tentation de la saison est une version de concert d’Il Pirata, opéra de Bellini qui permet d’applaudir le même soir Sondra Radvanovsky, Michael Spyres et Ludovic Tézier.
Le luxe parisien sera aussi à l’affiche de la saison 2019-2020 de l’Opéra national de Paris.