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Pierre Boulez : le roi est mort, vive le roi !

On vient d’apprendre à l’instant la disparition de Pierre Boulez, le plus grand représentant vivant de la musique contemporaine. Les médias internationaux vont rendre des hommages à la hauteur de la figure du grand homme. Sur les sites, à la radio et même au journal de 20 heures, le pape de la musique contemporaine sera encensé par les personnalités et les politiques de tous bords. Mais connaissent-ils vraiment sa musique ? Et si oui, quelle idée en ont-ils ?

Pierre Boulez (c) DR

Avouons-le, la musique de Pierre Boulez est intellectuelle et, tout comme les poèmes de Mallarmé, elle peut être complètement hermétique. Pour qui n’a jamais entendu son chef d’œuvre "Répons" dans une salle de spectacle, il est difficile de prêter une oreille attentive au disque. Il existe un réel malentendu entre le grand public et les spécialistes qui s’entendent sur les vertus du grand compositeur mais qui débattent toujours sur la façon dogmatique dont il a défendu sa musique. Et la personnalité radicale de Boulez n’a jamais aidé à calmer un débat toujours vif entre, pour caricaturer, d’un côté, les défenseurs de la musique sérielle et de l’autre, de la musique tonale. Il faut sans doute rappeler qu’en fin politique, il a réussi à se frayer un chemin auprès des décideurs, comme Lully en son temps, pour obtenir de quoi créer l’IRCAM en 1969, la cité de la musique en 1995 et tout récemment la Philharmonie de Paris (qui était déjà dans le projet de 1995). Le monde de la musique classique lui doit énormément sans parler de son apport à la direction d’orchestre où il a révolutionné l’écoute de Wagner ou de Mahler avec une approche analytique des partitions, débarrassées des lourdeurs romantiques.

Pierre Boulez (c)Creative Commons

Mais parallèlement, osons le dire, sa musique a définitivement creusé un fossé. Il est impossible aujourd’hui en France de parler de contemporain sans entendre le seul nom de Boulez qui a servi de symbole aux grands médias. Un seul nom bien pratique suffit toujours à faire briller le vernis de culture. Pierre Boulez incarne la création contemporaine, hélas ! car la vie musicale est un bouillon avec des courants aussi variés que l’inspiration. Comme seul représentant, il demeure l’arbre qui cache la forêt et qui est devenu dans l’esprit du public, le seul spécimen vivant. Tous les mélomanes qui ont fait le test de faire écouter à leurs amis néophytes des œuvres de John Adams, Arvo Pärt ou Kaija Saariaho, par exemple, ont eu les mêmes réactions étonnées lorsqu’on leur explique qu’il s’agit aussi de musique classique contemporaine. La musique de film fait partie de la grande famille où des compositeurs comme Prokofiev, Korngold ou plus proche de nous Philip Glass ou Michael Nyman se sont illustrés. Et qui sait si le compositeur classique préféré des mélomanes de 2216 ne sera pas John Williams ? Et pourquoi pas ?

Ce qui est sûr, c’est qu’avec la disparition de Pierre Boulez, cette grande figure, l’on peut clamer : Le Roi est mort, Vive le Roi ! en espérant que l’espace médiatique enfin libéré, s’ouvrira en s’élargissant, aux nombreux compositeurs qui n’attendent que de faire parler d’eux et surtout, de leur musique.