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Tosca, une diva au Semperoper de Dresde

Toutes les occasions sont bonnes pour se rendre au Semperoper de Dresde. Les mélomanes savent que c’est dans cet opéra chargé d’histoire que fût donnée la première allemande de Tosca, chef-d’œuvre absolu de Puccini. Mais, « à bonne Tosca, bonne diva » ? Compte-rendu...

© Semperoper Dresden/Klaus Gigga

Le Semperoper de Dresde est une salle majeure qui garde la mémoire des grands artistes qui se sont succédé sur scène. Même si elle reste attachée aux figures de Richard Wagner et Richard Strauss pour leurs nombreuses créations, l’histoire de l’opéra compte parmi ses heures de gloire la première de Tosca en Allemagne, en 1902. L’on peut même évoquer une « tradition » car depuis sa création, le chef-d’œuvre de Puccini n’a pratiquement pas quitté l’affiche. Le 23 février 2020, la reprise de la production de 2009 signée Johannes Schaaf aurait pu être vécue comme un hommage car le metteur en scène est décédé en novembre 2019.

Gris sur scène et couleurs dans la fosse

© Semperoper Dresden/Klaus Gigga

Dans les décors austères et volontairement froids de Christof Cremer, le drame peut se dérouler sans gêne. Les costumes traditionnels offrent de belles images même s’ils manquent un peu d’éclat dans un Te Deum qu’on peut aimer plus impressionnant encore. Fidèle au livret, la mise en scène de Johannes Schaaf ménage quelques surprises comme la présence sur scène de l’Attavanti, le modèle du peintre. Elle a surtout le mérite de pouvoir accueillir les stars internationales venues avec leur propre interprétation en poche. Acteur d’importance, l’orchestre de la Sächsische Staatskapelle Dresden déploie un luxe de beauté dans la fosse du Semperoper, très sonore. Sans chercher les profondeurs, la direction franche de Giampaolo Bisanti offre une emphase toute italienne qui convient facilement à la musique de Puccini. Les chœurs présents et surtout les enfants sont d’une justesse très appréciable. La grandeur d’une maison d’opéra se mesure également dans la distribution des seconds rôles. Matthias Henneberg en sacristain et Timothy Oliver (Spoletta) sont impeccables tout comme Lawson Anderson qui, avec une belle assise vocale, campe un Cesare Angelotti crédible.

Angela Gheorghiu, Tosca ou diva ?

© DR Angela Gheorghiu Instagram Officiel

Mais les admirateurs n’avaient d’yeux que pour Angela Gheorghiu, la star de la soirée. La diva nous ayant habitué à ses annulations de dernière minute, il semble presque miraculeux de pouvoir enfin l’applaudir dans un rôle qu’elle a fait sien depuis maintenant 20 ans. Mais si elle a eu le temps de peaufiner son jeu de scène, elle surprend par un naturel que l’on ne lui connaissait pas dans le premier acte. Avec de nombreux va-et-vient sur le plateau lui permettant de jouer avec sa traîne, quelques minauderies réapparaissent ensuite qu’elle n’alourdit presque plus avec des effets véristes datés. Très en forme vocalement, Gheorghiu séduit avec ce timbre exceptionnel et unique qui semblait en danger dans les derniers disques parus. Il est heureux de pouvoir écrire que l’artiste a donné le meilleur d’elle-même en livrant une interprétation de Tosca inoubliable. Les grands moments de théâtre prennent vie avec des partenaires à la hauteur. Dans le rôle noir du Barone Scarpia, le sonore Alexey Markov possède une présence scénique et vocale évidente. Son puissant baryton, uniformément timbré, dépasse sans problème les furies de l’orchestre dans le Te Deum, en restant capable de couleurs pour rendre au mieux le charme malsain du personnage. A l’inverse, sans toutefois démériter, le ténor Teodor Ilincai avec des sons très ouverts ne s’embarrasse pas de nuances ni même d’une trop grande psychologie. Son Mario sans véritable style reste efficace grâce à quelques aigus percutants.

Une Tosca d’exception et un très bon Scarpia ont enflammé le Semperoper. Les spectateurs ont même offert une standing ovation à la diva qui n’attendait que cela !