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François-Xavier Roth fait un nouveau Mahler à la Philharmonie de Paris

En pleine Fashion Week, à la Philharmonie de Paris, le chef François-Xavier Roth rhabille la symphonie Titan de Gustav Mahler avec une partition originale, jamais vue à Paris ! Peut-on faire du neuf avec de l’ancien ? Expérience…

François-Xavier Roth à la Philharmonie de Paris © Mathias Couquet

L’affiche était bien alléchante ce soir du 5 mars 2018 à la Philharmonie de Paris. L’un des artistes les plus passionnants de sa génération, François-Xavier Roth dirigeait Les Siècles avec au programme, la Symphonie en Ré de César Franck et la première de Mahler. Ce beau couplage aurait suffi à susciter l’intérêt mais une originalité est venue renforcer la curiosité car la « Titan » était jouée dans sa version originale.

De nouveau, le chef français nous a proposé une découverte, celle d’un Mahler dans le texte. Pour la première fois en France, les mélomanes allaient entendre cette « nouvelle » version d’un chef-d’œuvre de la symphonie. Les Siècles nous ont déjà habitués à des sons inédits car l’orchestre s’adapte toujours au répertoire. Ici, les musiciens ont joué sur des instruments français de la fin du 19ème siècle pour César Franck, allemands de la même période pour Gustav Mahler. Même une oreille peu affûtée pourrait déceler des singularités de timbre car la pâte sonore est très différente des grands orchestres américains, par exemple. Avec quelques acidités dans le français et une attaque plus franche dans l’allemand, les cordes ont une matière moins « pure » mais d’autant plus expressive.

1889, cette année-là… en France et en Hongrie

La construction du programme est à remarquer car les deux symphonies sont contemporaines. En 1889, César Franck a connu un succès immédiat avec son œuvre du romantisme finissant. Mahler, quant à lui, a dû attendre bien plus longtemps pour que sa symphonie soit reconnue à sa juste valeur. Assez éloignées stylistiquement, les deux œuvres ont été défendues avec la même conviction, chef et orchestre respectant les univers avec engagement. Le passage de l’ombre à la lumière dans la Symphonie de Franck est bien respecté avec des cors pas toujours très justes (instrument d’époque oblige !).

Les Siècles © Jean-Pierre Gilson 2012

Dans la symphonie de Mahler, il faut accepter de perdre ses repères pour plonger pleinement dans la musique. L’oreille est souvent interpellée par des détails que l’on imagine inédits car le programme de la Philharmonie n’est pas assez disert sur les apports ou changements. L’un des plus évidents est cependant l’ajout du deuxième mouvement Andante con moto « Blumine » qui retrouve sa place originale. De facture très classique, on comprend pourquoi Mahler l’a finalement écarté. Malgré le contexte musicologique (les recherches ont été confiées à la musicologue Anna Stoll-Knecht), François-Xavier Roth dirige un Mahler très libre et naturel. Le plus étonnant reste sans doute la clarté de l’orchestre. Dans un premier mouvement, le chef maintient une pression et déroule un tapis de cordes pour l’introduction des différents pupitres que l’on aurait aimé plus homogène mais l’effet sensoriel est saisissant. En accentuant l’aspect hongrois du mouvement Feierlich und gemessen, Roth nous rappelle que la symphonie a été créée à Budapest avec l’Orchestre philharmonique de la ville.

Sans doute, certains spectateurs de la Philharmonie de Paris sont sortis de la salle avec plus de questions que de réponses. Ce concert leur laissera assurément le souvenir d’un temps fort de la saison, une expérience musicologique et un pur bonheur de mélomane.