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Le Postillon de Lonjumeau de retour à Paris

L’Opéra comique de Paris est l’une des rares maisons capables de surmonter la désuétude. En programmant le fameux opéra-comique d’Adolphe Adam Le Postillon de Lonjumeau, a-t-elle redoré le genre ? Réponse…

Le Postillon de Lonjumeau © Stefan Brion

 

L’habitude est prise maintenant de se rendre à l’Opéra Comique de Paris pour redécouvrir un pan négligé du répertoire national. La représentation du 30 mars 2019 nous en a donné un nouvel exemple avec Le Postillon de Lonjumeau. Adolphe Adam fait partie de cette longue liste de compositeurs dont l’histoire de la musique n’a retenu que peu de titre. L’exact contemporain de Berlioz (les deux noms sont écrits côte à côte sur le plafond de la salle Favart) n’avait certes pas le génie créateur du grand romantique. Pourtant, à l’étranger sa partition a plus souvent les honneurs de l’affiche que Les Troyens (sans parler ici de Giselle, chef-d’œuvre du ballet blanc).

Aujourd’hui, Der Postillon von Lonjumeau réjouit principalement le public germanique car après avoir connu un succès phénoménal en France, l’œuvre a disparu petit à petit de la programmation. Les Gaulois bouderaient-ils la légèreté ? C’est que pour satisfaire le public parisien, il faut toujours lui donner le meilleur du meilleur et ce, même dans la frivolité ! Pour cette 570ème représentation à l’Opéra Comique, la plus imaginative des institutions lyriques de la capitale a donc convoqué le meilleur ténor actuel pour aborder ce rôle hors-norme truffé de contre-ré.

 Ténor et metteur en scène au diapason

 On connait Michael Spyres pour être l’homme des défis. Sa prestation se hisse à la hauteur des attentes et les dépasse même plusieurs fois au cours de cette soirée mémorable. En rajoutant des variations inattendues, en passant avec art en voix de tête puis en soutenant des aigus de poitrine percutants ou des graves superbement timbrés, il se joue de toutes les difficultés dans la plus parfaite décontraction. Son instrument d’une incroyable virtuosité surprend encore comme ses talents de comédiens. Il s’amuse sur scène comme l’ensemble de ses partenaires.

Metteur en scène et acteur de très grand talent, Michel Fau est le parfait démiurge de la soirée. Présent sur scène dans le petit rôle de la suivante Rose, il est irrésistible et impose en quelques phrases ce nouveau personnage emphatique. Pour cette nouvelle production, Fau ose le kitsch improbable avec des toiles peintes et des décors aux couleurs criardes dans un second degré toujours très respectueux.

 Une choucroute impressionnante

 Pour faire vivre cet opéra-comique où les parties parlées sont aussi importantes que celles chantées, Michel Fau a remarquablement ciselé le jeu de ses acteurs, ayant à sa disposition un plateau d’artistes aguerris comme Franck Leguérinel, à l’hystérie toujours aussi convaincante. Doté d’un beau matériau vocal, le baryton-basse Laurent Kubla pourrait en faire beaucoup plus. Sans doute n’a-t-il pas encore trouvé ses marques ce soir de première. La soprano québécoise Florie Valiquette est une belle révélation. Dans le rôle de Madeleine, elle s’impose avec évidence car elle possède l’abattage nécessaire pour faire face à l’imposant Spyres plus sonore dans les duos. Comme cette perruque stratosphérique à rendre jalouse Caroline chérie, sur scène l’on admire les costumes luxueux de Christian Lacroix qui ressuscite admirablement le XVIIIe de Jélyotte et de Rameau. Dans la fosse, le chef Sébastien Rouland à la tête d’un très bon Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie a l’élégance de prendre la partition pour ce qu’elle est, de la musique tout à fait plaisante et terriblement efficace.

En misant sur un ténor superlatif, une mise en scène intelligemment décalée et des costumes somptueux, la salle Favart remporte une fois de plus la mise et livre un spectacle abouti et parfaitement réussi. Il faut voir rapidement ce Postillon de Lonjumeau retrouvé, les occasions de s’amuser avec un tel professionnalisme n’étant pas si fréquentes…