Philippe Jordan déjà à Vienne avec Brahms
Les mélomanes font face à d’innombrables annulations de spectacles mais fort heureusement, les sorties de Cds sont toujours d’actualité. Parmi les nouveautés, l’enregistrement des symphonies de Brahms par Philippe Jordan a retenu notre attention. La critique reste la critique…
Brahms Symphonies – Philippe Jordan
Sortie le 7 août 2020 sous le label Wiener Symphoniker
Les quatre symphonies de Brahms sont d’évidents chefs-d’œuvre de la musique classique et nul grand chef d’orchestre ne peut en faire l’impasse. Il se doit de les aborder un jour ou l’autre. Philippe Jordan est un artiste admiré et admirable qui fait les beaux soirs de l’Opéra national de Paris et du Wiener Symphoniker. Deux casquettes qu’il revêt allègrement avec autant de succès à Paris qu’à Vienne, même si la capitale française a plus souvent eu l’occasion de l’applaudir dans la fosse que sur la scène. A Vienne en revanche, c’est devant son orchestre que le public suit son parcours avec attention.
Spécialités viennoises
Même s’il est moins réputé que son illustre voisin Philharmoniker, le Wiener Symphoniker n’en demeure pas moins un orchestre avec un son et une histoire que quelques illustres prédécesseurs ont marqués tels Wilhelm Furtwängler, Josef Krips, Herbert von Karajan, Carlo Maria Giulini ou récemment Rafael Frühbeck de Burgos et bien sûr, Philippe Jordan, son directeur musical depuis 2014. La liste est impressionnante et évoquée à dessein car parmi eux, nombreux sont ceux qui ont déjà enregistré les symphonies de Brahms. Cette nouvelle parution (prise sur le vif) n’est pas à comparer aux références du passé et ne prétend sans doute pas bouleverser une discographie pléthorique. C’est plutôt la photographie qui témoigne du travail d’un chef brillant. L’approche, on ne s’en étonnera pas, est viennoise avec une recherche de la beauté naturelle de la musique plutôt que de ses aspects évocateurs. Pas trop de théâtre chez Jordan, mais du son et du beau son ! Sans toutefois égaler les plus prestigieux orchestres, le Wiener Symphoniker qui autoproduit ce CD peut s’enorgueillir de cet enregistrement.
Une question de poids
Les différents pupitres offrent de beaux moments même si la baguette de Jordan paraît le plus souvent pesante comme s’il n’osait pas faire décoller l’ensemble, sauf à quelques exceptions (premier mouvement de la symphonie No. 3 aux contrastes marqués). Est-ce un choix esthétique ? mais souvent les tempos ne semblent pas se répondre. Le célèbre mouvement Poco allegretto de la 3ème trop haché respire difficilement avant un Allegro un peu lourd. C’est à croire que Jordan s’intéresse plus à mettre en valeur chaque pupitre plutôt que de faire vivre l’ensemble dans une architecture complexe. Il y a assurément de nombreuses intentions, comme dans le premier mouvement de la Symphonie No. 1 que l’on sent réfléchi et même mûri mais le souffle, l’impulsion romanesque semblent encore trop contenus (avec une étrange baisse de volume à 13’54’’). Même si, dans l’ensemble, la finesse de l’approche reste à saluer, le couvercle est posé sur la marmite pour éviter trop d’éclaboussures et c’est dommage. La photographie sera à rapprocher d’une nouvelle, faite -espérons-le- dans quelques années pour constater le chemin parcouru avec un lâcher-prise et une liberté qui ne sauraient tarder.