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Pelléas et Melisande et des prises de rôle à la Bastille

Le Pelléas et Melisande de Bob Wilson est un grand spectacle et l’une des indéniables réussites de l’Opéra national de Paris. Pour la septième fois à l’affiche de l’Opéra Bastille, cette nouvelle distribution emmenée par Philippe Jordan est-elle à la hauteur ? Compte-rendu…

© Charles Duprat / OnP

Un chef-d’œuvre de l’opéra français tel Pelléas et Melisande de Debussy a bien évidemment toute sa place sur la première scène nationale. Pourtant, la génèse de l’œuvre s’est faite ailleurs (à l’Opéra-Comique) et la toute première production de l’Opéra national de Paris date de 1977. A Bastille, la représentation du 19 septembre 2017 était donc la 65ème à l’Opéra national de Paris, seulement ! Pour la sixième reprise de la mise en scène de Bob Wilson créée en février 2017, la grande institution a misé sur plusieurs atouts, le premier étant son orchestre.

Pelléas et Melisande est un opéra de chef et sans doute l’un des plus complexes. Pour rendre l’onirisme, les atmosphères d’étrangeté mais aussi le drame, Philippe Jordan puise dans la beauté de son ensemble digne des meilleures phalanges symphoniques. Toujours attentif aux chanteurs, il déploie les grandes phrases debussystes avec raffinement, délicatesse et profondeur sans oublier le théâtre pourtant absent de l’univers de Bob Wilson.

Que l’on aime ou pas le metteur en scène, il est indéniable que le plasticien offre des images inoubliables. Il signe ici l’une de ses plus grandes réussites. La désincarnation sied à l’évidence au personnage éthéré de Mélisande placé au centre du dispositif. Les changements de lumière suivent les mouvements d’Elena Tsallagova, familière du rôle et de la gestuelle wilsonienne. La soprano à l’étrange sourire qui rappelle Mona Lisa est une Mélisande vocalement convaincante contrairement à Anna Larsson. Le contralto dans le rôle de Geneviève passe à côté de sa scène, faute d’expression dans la prosodie. 

Luca Pisaroni chante Golaud pour la toute première fois à Paris

Dans le reste de la distribution internationale, l’on remarque Thomas Dear et l’Arkel bien chantant d’un Franz-Josef Selig un peu monolithique. Les débuts de Jodie Devos sur l’immense plateau de Bastille sont un luxe dans le rôle du petit Yniold. L’incarnation est juste et la voix passe sans problème.

L’autre prise de rôle très attendue était celle de Luca Pisaroni en Golaud. Le baryton-basse italien nous confiait récemment son enthousiasme mais aussi son appréhension face à ce rôle de géant abordé pour la toute première fois et de plus, devant un public français ! Qu’il soit rassuré, il a trouvé la bonne caractérisation qui lui permet de dresser un Golaud torturé et crédible. Un intelligent effet de voix détimbrée exprime parfaitement la colère froide et produit un effet glaçant et assez spectaculaire. Nul doute que la pression retombée, il habitera définitivement le rôle avec une prosodie plus naturelle. Le baryton québécois Etienne Dupuis a évidemment toutes les facilités avec la langue si particulière de Debussy. Son premier Pelléas parisien confirme les affinités avec le rôle grâce à un aigu facile même si le statisme de la mise en scène restreint le comédien. 

Cette très belle soirée qui a inauguré la saison de l’Opéra national de Paris s’est toutefois teintée de nostalgie. L’actuel directeur Stéphane Lissner est venu rendre hommage avec justesse à Pierre Bergé son prédécesseur en se souvenant du grand homme d’art et en rappelant le rôle important qu’il avait joué à Bastille. Le tout premier spectacle produit sur cette scène « La nuit avant le jour » avait été mis en scène par Bob Wilson, une opportunité idéale pour dédier toutes les représentations à la mémoire du disparu.