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A l’Opéra de Nice, Lionel Bringuier dirige en famille

Le mélomane assidu oublie parfois que dans la fosse d’un Opéra se produisent des artistes remarquables. Rien de tel alors qu’un brillant chef pour hisser l’orchestre sur scène comme à Nice. Compte-rendu...

© Dominique Jaussein

Deux événements d’importance continuent de faire l’actualité de la saison 2019-2020 de l’Opéra de Nice. La nomination d’un nouveau Directeur Général (l’attendu et très prometteur Bertrand Rossi) est toujours un moment intense dans la vie d’une grande institution, tout comme la programmation musicale avec les concerts à l’affiche, point central de l’activité culturelle d’une ville-métropole. La nouvelle de la résidence de Lionel Bringuier a été accueillie avec enthousiasme par les mélomanes mais plus encore par les niçois. Le chef est non seulement né à Nice où il a fait ses premières gammes mais il y réside lorsqu’il ne se produit pas en Europe ou à l’étranger. Connaissant son incroyable carrière, il est facile d’imaginer l’engouement mérité pour l’enfant du pays, d’autant plus qu’en première partie du concert donné le 26 janvier 2020, son frère Nicolas Bringuier tenait la partie soliste du concerto pour piano No. 1 de Brahms.

Deux frères pour un seul Brahms

Il n’est pas étonnant de sentir une complicité entre les deux frères, le chef étant particulièrement attentif à porter le piano de son ainé. Son geste est ample et permet au grand mouvement Maestuoso de se déployer avec le luxe des sonorités requis avant l’entrée du soliste qui suit la partition avec respect. Le piano plutôt analytique aborde les atmosphères les unes après les autres sans se laisser inspirer par la grande phrase brahmsienne, au souffle romantique. Le touché appliqué traduit une sobriété dans les parties solo. Le pianiste trouve les accents justes dans le deuxième mouvement adagio avant de lancer le dialogue échevelé dans un troisième mouvement, plus parlant. Il trouve ici l’occasion appréciable de faire la démonstration d’une saine virtuosité.

Avec un jeu franc qui ne cherche pas forcément les couleurs, l’approche minérale contraste avec celle de son frère, plus organique. Lionel Bringuier a des affinités évidentes avec Brahms. Sa vision profonde et concernée met en avant la face plus sombre de l’œuvre. A la tête de l’Orchestre Philharmonique de Nice, il parvient à obtenir de nombreuses couleurs avec un souci d’homogénéité malgré les quelques décalages et des vents peu inspirés, surtout dans l’adagio.

Pour l’exposition, suivez le chef !

Lionel Bringuier © Dominique Jaussein

Le grand geste et la fougue sont attendus dans les Tableaux d’une exposition de Moussorgski en deuxième partie du programme, les contrastes également. Dans ce cheval de bataille, les membres de l’orchestre semblent décidés à montrer leurs plus beaux atours. Même si certains paraissent plus motivés que d’autres, ils prouvent qu’un orchestre de fosse peut défendre avec panache le répertoire symphonique lorsqu’il est dirigé, comme ici, par une baguette possédant personnalité et charisme. Le chef-d’œuvre orchestré par Ravel qui explose dans La Grande Porte de Kiev emporte l’adhésion évidente du public. Avant, il aura visité l’exposition avec des bonheurs différents. Le tableau Gnomus aux accents volontairement violents précède Il Vecchio Castello où malgré un hautbois prosaïque, se dessine une atmosphère qui pourrait oser encore plus de mystère. Bydlo permet aux cordes disciplinées de reprendre l’avantage sur les vents. La Promenade des poussins les retrouve au mieux de leur interprétation. Lionel Bringuier se montre attentif à ne pas trop pousser la puissance expressive quitte à restreindre l’opulence des sons, surtout dans les mouvements plus rapides comme dans Limoges. Très sollicitées tout au long de l’oeuvre, les percussions ont tenu leur rang avec art. Lors du rappel, le chef qui a dirigé une danse slave de Dvorák, a rendu un gentil hommage à l’un d’eux avant son départ à la retraite.

Il est des concerts comme des réunions familiales où la joie de se retrouver pour partager des moments de chaleur humaine et de bonheur compte parfois plus que le dîner servi. Il n’empêche que Nice en choisissant un chef comme Lionel Bringuier s’assure de poser une étoile de plus sur le fronton de son opéra.