Arrêt Opéra Comique avec Auber et son Domino Noir
Avant la station de RER parisien, le nom d’Auber est avant tout celui d’un des compositeurs les plus à la mode à la grande époque de l’Opéra Comique. De retour salle Favart, son Domino Noir renoue avec le succès à moins que le cochon José ne lui vole la vedette… Compte-rendu !
Créée à l’Opéra Royal de Liège en février dernier, la production du Domino Noir de Daniel François Esprit Auber est arrivée Salle Favart ce lundi 26 mars 2018, précédée d’une très bonne réputation. L’œuvre à succès du compositeur normand fait son grand retour à l’Opéra Comique qui est à l’origine du projet. Le programme de salle toujours très bien documenté par Agnès Terrier nous apprend d’ailleurs que le Domino Noir a été à l’affiche 1195 fois à Paris depuis sa création et que le titre est le neuvième le plus joué du répertoire. Il semblait donc naturel d’accueillir de nouveau un des best-sellers de la maison. Pourtant, en confiant la mise en scène à deux nouveaux venus à l’opéra, le pari aurait pu être risqué.
Avec les œuvres du genre Opéra Comique, la gageure est double car il faut à la fois maîtriser les parties chantées mais également celles parlées, assez nombreuses ici. L’on a vu trop souvent de grands noms du théâtre rater la conversion aux « mots sur de la musique » pour ne pas saluer comme il se doit la réussite des metteurs en scène. M. & Mme Valérie Lesort également plasticienne et Christian Hecq sociétaire de la Comédie Française apportent le juste équilibre entre sérieux et fantaisie pour servir au mieux l’œuvre. Absente des scènes internationales depuis plus de 20 ans, elle attendait sans doute ce parfait dépoussiérage. Quelques gags hilarants comme l’intervention du cochon José ou des nonnes volantes viennent au bon moment ponctuer une action pétillante. Le livret d’Eugène Scribe est un modèle de construction. L’histoire très banale lorgne du côté de Cendrillon ; un jeune homme tombe amoureux d’une jeune fille croisée lors d’un bal. Et pourtant, comme dans les comédies romantiques américaines, l’on se surprend à attendre fébrilement le dénouement pour connaître l’identité de la jolie inconnue.
Mais qui est donc cette jolie inconnue sous son domino noir ?
Les metteurs en scène ont à leur disposition un plateau vocal de haute volée dominé par le couple de héros interprété par Anne-Catherine Gillet et Cyrille Dubois. La soprano domine parfaitement le rôle de la mystérieuse Angèle de Olivarès. Son grand air « Ah ! quelle nuit… Flamme vengeresse » est un modèle de chant. Tout juste lui manque-t-il un soupçon d’espièglerie pour être l’incarnation rêvée. Le ténor déploie ses talents de comédien avec son allure élancée à la Fantasio de Spirou. Souverain vocalement, il nous gratifie l’air de rien de suraigus impressionnants, avec le grand art qu’on lui connait. Désopilante, Marie Lenormand qui campe une généreuse Jacinthe s’amuse sur scène.
Toute la distribution joue parfaitement la comédie jusqu’au plus petit rôle, livrant des prestations vocales très satisfaisantes (François Rougier, Antoinette Dennefeld, Laurent Kubla). Il est d’ailleurs quasiment impossible de distinguer dans la troupe les quelques comédiens du Français, comme Sylvia Bergé religieuse acariâtre plus vraie que nature. Les autres acteurs de la réussite de ce spectacle sont bien évidemment le chœur et l’orchestre. Avec cette beauté de timbre habituelle, les chanteurs d’Accentus sont toujours parfaitement compréhensibles. L’Orchestre Philharmonique de Radio France se livre de bonne grâce à la musique agréable d’Auber. Patrick Davin défend avec conviction une partition qui ne manque pas de charme.
La bonne étoile brille encore sur l’Opéra Comique avec cette conjoncture favorable qui permet de redécouvrir ce Domino Noir sous son meilleur jour. Mise en scène, plateau vocal, décors et costumes (par l’inventive Vanessa Sannino), chef, orchestre et chœur, tout concourt à la grande réussite d’un spectacle à ne pas manquer.