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L’instant lyrique de Marina Rebeka à Paris

La nouvelle soprano en vue qui donne son premier récital dans une salle devenue en peu de temps incontournable à Paris… rien ne peut faire plus plaisir au mélomane qui s’y précipite, fébrile. Est-il tombé sous le charme du regard bleu et de la voix de Marina Rebeka ? Réponse…

Après une certaine raréfaction des récitals de chant à Paris, deux institutions ont vaillamment repris le flambeau de la Salle Gaveau. Avec l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, la salle de l’Eléphant-Paname de la rue Volny est une nouvelle venue qui s’est imposée facilement dans la sphère lyrique. En 2018-2019, sous l’impulsion du directeur artistique Richard Plaza on a pu applaudir Jodie Devos, Benjamin Bernheim, Natalie Dessay ou Jean-François Borras, au cours de cette cinquième saison du cycle joliment baptisé « L'Instant Lyrique ».

Lundi 15 avril 2019, Marina Rebeka a donné son tout premier récital parisien tandis que les flammes de Notre-Dame embrasaient le ciel de la capitale. Sous la voûte étoilée du dôme d’Elephant-Paname, la grande voix de la soprano lettone a résonné fortement, enthousiasmant un parterre d’amateurs de beau chant.

Accompagnement profond et délicat

Le programme agréablement construit a alterné Lieder et mélodies familières et méconnues (des compositeurs lettons, Kalnins, Medins et Kepitis) avec des grands airs d’opéra laissant au pianiste Antoine Palloc tout le loisir de faire la démonstration de son talent. L’accompagnement est un exercice difficile car la moindre note ne doit être ni trop appuyée ni trop insignifiante. En artiste accompli, Palloc a réussi tour à tour à être délicat dans les mélodies de Fauré, profond dans Schubert et opératique dans Gounod, Wagner ou Verdi (avec l’appui d’Yvan Cassar lors des bis).

Depuis ses débuts à Salzburg en 2009, l’on ne cesse de découvrir Marina Rebeka. Au disque, la soprano a fait forte impression dans Mozart. Sur scène à l’opéra Bastille, elle a fait sensation dans La Traviata comme à New York avec Norma ou la récente Marguerite de Gounod à Monte-Carlo et Madrid… Assurément, la voix est grande, bien conduite et possède un timbre moiré qui fait chavirer. Dans le cadre d’un récital, les trop grands moyens peuvent être un handicap surtout dans la mélodie lorsqu’il faut alléger la voix.

Une voix faite pour l’opéra

L’artiste caractérise à merveille chaque poésie, interprétant le fameux « Kuss » de « Gretchen am Spinnrade » de Schubert avec force et fragilité. Mais les Fauré peinent à s’élever dans les airs avec un français parfois compréhensible parfois approximatif. Au programme, « Nur wer die Sehnsucht kennt » du Lied der Mignon de Schubert a opportunément remplacé « Du bist die Ruh » trop exposé pour la ligne vocale. Les Rachmaninov et la très belle vocalise de Janis Medins « Arija » ont trouvé avec Marina Rebeka une brillante interprète mais à l’évidence la chanteuse trouve toute sa place dans les airs d’opéra où la voix s’est entièrement épanouie. Dans le fameux air des bijoux du Faust de Gounod, même si le trille manque aux perfectionnistes, l’actrice se fait coquette avec ce timbre homogène et envoûteur. Wagner est à sa portée dans l’air de Tannhäuser « Dich teure Halle » où les moyens sont bien exploités.

Deux généreux bis sont venus conclure le récital avec un feu d’artifice vocal. « Mercè, dilette amiche » extrait des Vespri Siciliani de Verdi avec ses aigus dardés, ses notes piquées a ravi comme rarement. L’air de Juliette de Gounod enfin (où le français reste toutefois à améliorer) semble ouvrir une des nombreuses portes qui laissent espérer revoir bien vite Marina Rebeka sur une scène d’opéra en France.

En attendant, pour les amateurs de récitals lyriques les rendez-vous de l’Eléphant-Paname sont en effet devenus des incontournables.