Classique c'est cool

View Original

L’instant lyrique d'Annick Massis, tant d'amour !

Les mélomanes passionnés ont désormais leur lieu de rendez-vous. Sous le dôme de l’Eléphant Paname, les récitals affichent rapidement complet surtout lorsqu’il s’agit de la grande soprano Annick Massis. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y être, compte-rendu…

Annick Massis & Antoine Palloc © DR

La saison bat son plein et « L’instant Lyrique », la parfaite série de récitals de la nouvelle salle parisienne l’Eléphant Paname, affiche déjà son 49ème rendez-vous. Ce lundi 2 décembre 2019, la très grande Annick Massis en était l’invitée prestigieuse avec Antoine Palloc au piano. Est-il encore nécessaire de présenter la soprano française ? Apparemment oui car certains directeurs de théâtre en vue continuent à s’obstiner de ne pas tenir leurs portes grandes ouvertes pour l’accueillir. Alors qu’elle triomphe à chacune de ses apparitions, notamment dans le répertoire belcantiste (le plus exigeant qui soit et où les grandes voix comme la sienne se comptent sur les doigts d’une main), Annick Massis se fait bien trop rare malgré l’engouement de ses nombreux admirateurs à travers le monde. Sous le dôme de l’Eléphant Paname, pas un fauteuil n’est resté libre. Dès son apparition sur scène dans une élégante robe rouge, la foule a accueilli la splendide soprano avec une clameur d’enthousiasme. Visiblement surprise et émue, elle a laissé s’échapper : « Tant d’amour ! »

Epanouissement et osmose

De l’amour, il en était évidemment question dans un programme réjouissant presque à 100 % italien. Les quatre premières mélodies dans la langue de Dante ont surpris les amateurs éclairés qui connaissent pourtant bien les Ravel, Fauré, Schubert et Liszt. Levati sol che la luna è elevata, la surprenante version du célèbre Après un rêve de Fauré possède bien des charmes lorsqu’elle est interprétée par Antoine Palloc, pianiste délicat et merveilleusement inspiré. Exposée, la voix aux graves impressionnants accuse un léger vibrato qui s’efface dès le vidi in terra angelici costumi… de Liszt où le grand soprano s’épanouit pleinement. En osmose, les deux artistes offrent le premier temps fort de la soirée.

Du très grand Art

Annick Massis & Antoine Palloc © DR

Dans la généreuse deuxième partie entièrement dédiée à Verdi se sont enchaînés les airs extrêmement variés d’Il corsaro, Il trovatore, Simon Boccanegra, I masnadieri et Jérusalem (le seul en français). Ce récital est l’occasion pour Annick Massis d’offrir quelques cadeaux à son public car tous ces rôles ne sont pas inscrits à son répertoire. Si D’amor sull’ali rose demande plus d’effort que Lo sguardo avea degli angeli, l’art de la soprano explose dans chaque morceau avec des aigus filés, des graves sonores, un trille exemplaire, une longueur de souffle incroyable et ce timbre lumineux qui nous fait léviter. Sans cet opulent programme, quelques petits accrocs se font parfois entendre vite rattrapés. Toujours précis et attentif, l’excellent pianiste Antoine Palloc suggère l’orchestre avec sobriété et même panache. Deux bis sont venus conclure cet instant de beau chant avec Io son l’umile ancella, célèbre extrait d’Adriana Lecouvreur de Cilea et une irrésistible mélodie de Luigi Arditi que les deux grands artistes se sont amusés à incarner avec un jeu de chat et de souris. Les bravos fournis des mélomanes sont venus témoigner de l’affection soutenue et inconditionnelle pour une artiste d’exception. L’amour du public et de la critique suffira-t-il enfin à ouvrir les yeux des directeurs d’opéra ?