Le Mahler de Jonas Kaufmann fait le bonheur des mélomanes
Difficile d’aborder la critique du nouveau disque de Jonas Kaufmann tant l’aura du plus grand ténor actuel est grande. Après d’époustouflantes réussites dont un récital Puccini et une Aida d’anthologie (entre autres), les mélomanes sont restés sur un dernier disque raté. Le répertoire abordé pour l’album de chanson italienne Dolce Vita n’était pas adéquat et n’a pas convaincu, même les plus mordus.
Lorsque Sony Classical a annoncé la sortie du nouvel opus discographie du beau Jonas, Das Lied von der Erde de Mahler, la planète lyrique s’est remise à saliver. Les mélodies tourmentées de Gustav Mahler semblent écrites pour cette merveilleuse voix sombre, capable de mille nuances. Mais voilà, il y a comme un hic ! Décrit par son compositeur comme une Symphonie pour ténor, alto (ou baryton) et grand orchestre, Das Lied von der Erde réclame donc une voix de ténor et une voix d’alto (ou de baryton si l’on n’a pas de gosier féminin sous la main).
Or, sur l’affiche du disque (comme sur celle du concert qui a précédé l’enregistrement au Théâtre des Champs-Elysées) ne figure que le nom de notre ténor superstar. Où est donc passée la deuxième voix ?
La réponse fera hérisser les cheveux des plus érudits mais ravira les fans car Jonas Kaufmann chante les six poèmes, comme un seul homme. Le musicologue pointu notera alors que même si l’art du ténor est grand, il ne suffit pas à effacer un léger malaise.
Vaillance de la voix et précision du phrasé
Dans Der Einsame im Herbst ou Von der Schönheit par exemple, alors qu’une voix grave peut s’épanouir dans les notes de Mahler, celle de Jonas Kaufmann semble engoncée, comme en attente d’aigus. Question notes haut-perchées, le fan sera quant à lui emballé dès premier Lied où il retrouve vaillance de la voix et précision du phrasé qui font son admiration. Il comprendra sans problème pourquoi le ténor s’est embarqué dans cette aventure à l’écoute du seul Abschied, 28’33’’ de pur bonheur. L’intelligence du texte, la longueur de la tessiture permettent toutes les audaces dans l’une des plus belles pages de musique du compositeur autrichien. Mais comme souvent un train peut en cacher un autre, l’autre acteur de cet enregistrement qui mérite tous les lauriers est le chef Jonathan Nott à la tête du somptueux Wiener Philharmoniker. Captivante et précise, sa direction exceptionnelle confirme sa place de leader dans le cercle des meilleurs mahlérien actuels.
En résumé, pour réunir Mahlérien et Kaufmannien, l’on conseillera l’achat de ce disque mais avec une réserve. Jonathan Nott et Jonas Kaufmann nous livrent une superbe version de Der Lied von der Erde de Mahler atypique. Pour découvrir l’œuvre au disque, l’on renvoie aux versions traditionnelles de Bruno Walter (avec Julius Patzak et la grande Kathleen Ferrier, une référence), Otto Klemperer (avec Christa Ludwig et Fritz Wunderlich) ou Fritz Reiner (avec Maureen Forrester et Richard Lewis)
CD : Mahler: Das Lied von der Erde
Artistes
Jonas Kaufmann
Wiener Philharmoniker
Jonathan Nott
Label : Sony Classical
Catalogue No : 88985389832
Date de sortie internationale : 07 avril 2017